La Coopération agricole alerte sur la nécessité de redonner de la compétitivité au secteur

Lors de sa conférence de rentrée, Dominique Chargé, président de La Coopération agricole, a mis en lumière le « déplacement » de la consommation et la nécessaire adaptation de la production agricole à ce phénomène – pour les coopératives et le secteur en général.

Le président de La Coopération agricole appelle à un double choc, de production et de compétitivité, afin de « récupérer la production d'entrée et de cœur de gamme » et de satisfaire ainsi la nouvelle demande des consommateurs.

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Finie, ce que Dominique Chargé, président de La Coopération agricole, appelle la « vuittonisation » de la production française, faite de produits haut de gamme et labellisés – de produits de luxe, en somme, comme chez Louis Vuitton...

De conjoncturels, avec la sortie de la crise Covid-19 et l'arrivée de l'inflation, les arbitrages alimentaires se sont mués en véritables habitudes.

Cela vaut pour les achats de produits de marques distributeurs aux dépens des marques nationales, pour ceux qui sont issus de l'agriculture conventionnelle au détriment du bio et pour la consommation hors domicile, de même que pour celle de produits de snacking, qui ont le vent en poupe, ainsi que la consommation de boissons non alcoolisées. Des changements structurels, donc.

Une agriculture inadaptée à la nouvelle donne

Or « notre agriculture n'est pas outillée pour cela, ni en matière de standards ni d'accessibilité de prix », regrette Dominique Chargé. Conséquence de cette inadaptation à la nouvelle demande, ce sont les productions étrangères qui raflent en partie la mise, que ce soit pour du poulet à bas coût consommé dans la restauration hors domicile (80 % de la volaille utilisée dans cette activité vient de l'étranger), pour les fruits et légumes (dont la moitié est importée) ou pour le beurre (qui sert dans les produits transformés et dont 40 % est acheté hors de France).

Et alors que les achats de ces produits augmentent, la production française dans ces domaines n'a cessé de baisser depuis 20 ans (- 5 % pour la production de volailles, par exemple). À cela s'ajoutent, depuis 5 ans environ, des crises climatiques et sanitaires, qui fragilisent divers secteurs, de la vigne à l'élevage, notamment.

Choc de production et de compétitivité

Seule solution pour conjurer ce mauvais sort, « un choc de production », estime Dominique Chargé. Mais il ne pourra venir qu'à une seule condition : il doit s'accompagner d'un « choc de compétitivité ».

Plus facile à dire qu'à faire, face à une taille d'exploitations sans doute trop faible, mais surtout, des charges trop lourdes, sous forme d'envolée des prix de l'énergie et des engrais (même si la baisse est désormais enclenchée), comme d'impôts de production et de charges salariales élevés.

Ainsi, au total, entre janvier 2020 et janvier 2024, les coûts de production ont augmenté de 25 % dans l'agriculture, selon La Coopération agricole. Quant aux impôts de production (pour l'ensemble de l'économie française), ils s'inscrivaient dans une fourchette de 4 à 4,75 % du PIB en 2022, selon le baromètre 2022 de l'Institut Montaigne / Mazars ou les données Eurostat de la même année, contre une moyenne de 2,45 % dans l'Union européenne et dans une fourchette de 0,75 % à 0,83 % en Allemagne !

Alléger le poids de la fiscalité

Certes, l'État français a consenti quelques efforts ces dernières années (avec une réforme en 2021) mais « il doit encore alléger le poids de la fiscalité à la production », tonne Dominique Chargé.

Et ce, d'autant que le secteur agricole doit lourdement investir à l'avenir, pour s'adapter aux nouvelles habitudes de consommation comme pour se décarboner et lutter contre le dérèglement climatique.

Quelque 600 millions d'euros d'investissements par an à réaliser

De fait, ce serait, selon La Coopération agricole, un total annuel de 500 à 600 millions d'euros d'investissements qui serait nécessaire d'ici 2030.

Mais « nous ne les avons pas », déclare le président de La Coopération. Et compte tenu des contraintes budgétaires du pays, il s'inquiète des marges de manœuvre dont disposera l'État pour accompagner les agriculteurs, dont la trésorerie souffre dans ces transitions.

Un fonds d'accompagnement à mettre en œuvre

Et le fonds, présenté par Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, le 20 décembre dernier, afin de financer des mesures (dont près de 800 millions d'euros pour le volet agricole) dans le cadre de la planification écologique, reste encore à mettre en œuvre...

Revoir la séparation conseil / vente

Mais l'État pourra quand même agir par d'autres biais : en assurant un accès adéquat à l'eau et à l'énergie et en dynamisant la production d'engrais décarbonés, notamment, ainsi qu'en favorisant l'innovation en génétique végétale et animale.

Sans oublier de revoir la séparation des activités de conseil et de vente de produits phytopharmaceutiques, en vigueur depuis le 1er janvier 2021 et qui « prive les agriculteurs de conseils essentiels », insiste Dominique Chargé.

Il avait entamé des discussions avec le Gouvernement aujourd'hui démissionnaire sur ce sujet et espère bien renouer prochainement le dialogue.

Travailler sur les moyens de production

Ces mesures, qui restent encore à définir dans certains cas, puis à appliquer, seront-elles suffisantes pour « récupérer la production d'entrée et de cœur de gamme », comme le souhaite le président de La Coopération agricole ?

En tout cas, « il faut travailler sur les moyens de production, moderniser le parc industriel et favoriser les investissements en lien avec l'innovation », dit-il. Car il n'est pas question pour lui de « transiger sur la qualité ».

Reste l'accessibilité de prix. Au lieu d'une nouvelle loi Egalim, les précédentes n'ayant pas démontré leur efficacité, le président de La Coopération agricole appelle, fort logiquement, tous les acteurs de la chaîne de valeur, du champ au rayon de supermarché, à « coopérer », pour fournir les produits que souhaitent les consommateurs français, aux prix qu'ils peuvent payer.

La Coopération agricole, qui fédère 2.100 coopératives, auxquelles adhèrent trois agriculteurs sur quatre, correspondant à 70 % de la production agricole française totale et à 40 % de sa production alimentaire, a bien l'intention d'aiguillonner les acteurs, pour assurer l'avenir de ce secteur majeur de l'économie et des territoires.