Annoncé par la présidente Ursula von der Leyen dans son discours sur l'état de l'Union, en septembre 2023, et lancé en janvier 2024 – autrement dit en plein mouvement de grogne des agriculteurs –, le dialogue stratégique sur l'avenir de l'agriculture de l'Union européenne (UE) a réuni 29 principales parties prenantes des secteurs agroalimentaires européens, de la société civile, des communautés rurales et du monde universitaire.
L'objectif : parvenir à une vision commune de l'avenir des systèmes agricoles et alimentaires de l'UE. Ces parties prenantes ont remis leurs conclusions le 4 septembre. Et bien que le rapport ne contienne que des recommandations, la présidente de la Commission européenne devrait s'en inspirer pour élaborer sa propre vision, qu'elle détaillera dans les 100 premiers jours de son deuxième mandat.
L'agriculture, un élément essentiel pour la société
Si le document considère, logiquement, que la production alimentaire et agricole est un élément essentiel de la société et de la sécurité européennes, il insiste néanmoins sur la nécessaire transition agroécologique, d'autant que certaines mesures environnementales liées à la Politique agricole commune (PAC) ont été temporairement suspendues du fait de la colère des agriculteurs en début d'année.
Privilégier les revenus des agriculteurs
Pour relancer les efforts en faveur de la transition, au-delà de renforcer la position des agriculteurs dans la chaîne de valeur alimentaire, il faut adapter la PAC pour qu'elle concoure à des systèmes alimentaires plus durables et plus compétitifs.
La réformer, en somme, en privilégiant des subventions fondées sur les revenus des exploitants plutôt que sur la taille des exploitations.
Des incitations pour verdir les pratiques
En outre, le rapport propose d'inclure, à l'intérieur du budget de la PAC (de 387 milliards d'euros), des incitations financières qui seraient versées pour le verdissement des pratiques agricoles.
D'autres incitations seraient tirées d'un fonds, appelé « fonds pour une transition juste », à l'extérieur du budget PAC, cette fois-ci. Elles viseraient à encourager des changements à plus long terme, dont la mise en place de pratiques régénératives.
Enfin, le rapport propose un système de prêts, qui serait géré par la Banque européenne d'investissement, pour un montant total de 3 milliards d'euros. Il donnerait la priorité aux jeunes installés.
Gérer les multiples crises
« "Business as usual", que ce soit sur le plan économique, social ou environnemental, n'est plus une option », insiste le rapport, pour ajouter : « Des actions ambitieuses et rapides sont nécessaires à tous les niveaux pour gérer les crises multiples affectant les producteurs – des événements climatiques extrêmes à l'inflation en passant par la concurrence de produits extérieurs à moindre coût. »
Changer le régime alimentaire des Européens
Ainsi, le rapport insiste sur les progrès nécessaires pour avancer sur la voie de systèmes agroalimentaires durables. Et en plus de recommandations sur le soutien et la promotion de nouvelles pratiques agricoles, il plaide en faveur de « l'autonomisation des consommateurs pour leur permettre de choisir des régimes alimentaires durables et équilibrés ».
Passer aux protéines végétales
Cela implique, de fait, de consommer moins de viande, écrivent les auteurs du rapport, d'autant que les Européens en mangent plus que ne le recommandent diététiciens et scientifiques et que les responsables politiques ont peu œuvré pour réduire la consommation de viande et de lait.
Une moindre consommation carnée et laitière, fondée sur un régime alimentaire faisant la part belle aux protéines végétales, serait fondée sur une meilleure éducation dans ce domaine, des cantines gratuites, des étiquettes détaillées, des réductions de taxes sur les produits sains et durables, des contraintes publicitaires et marketing plus strictes, et même sur un schéma volontaire d'abandon des fermes situées dans des régions d'élevage intensif. Le rapport ne va toutefois pas jusqu'à instaurer des objectifs de baisse des cheptels.
Mieux que des discours « populistes »
Le rapport semble avoir été apprécié aussi bien par les parties prenantes agricoles que par les défenseurs de l'environnement. Marco Contiero, chargé de la politique agricole européenne au sein de l'ONG Greenpeace, estime ainsi que les débats ont été sérieux, robustes et fondés sur des preuves scientifiques. Le rapport est donc de bien meilleure facture que des « discours populistes [qui nient] la réalité », selon lui.