"Les tracteurs d’aujourd’hui ne consomment pas assez… à l’heure !"

Pour Julien Hérault, "les tracteurs d’aujourd’hui ne consomment pas assez… à l’heure !»

En pleine crise du coût de l’énergie, beaucoup d’agriculteurs cherchent des solutions pour consommer moins. L’équipe de GTP a donc contacté Julien Hérault, conseiller machinisme indépendant chez Conseils Agroéquipements, pour savoir si des solutions miracles existent.

À l’heure actuelle, le prix du GNR inquiète de nombreux agriculteurs. Est-ce qu’il existe une formule magique pour économiser du carburant sur son exploitation ?

Julien Hérault : Malheureusement non, il n’y a pas de baguette magique capable de transformer votre tracteur pour qu’il consomme moitié moins de carburant demain ! En revanche, et je le répète depuis longtemps déjà, nos choix au moment du renouvellement du matériel impacteront forcément la consommation de nos chantiers. C’est dommage d’avoir attendu cette crise de l’énergie pour se poser des questions. Cela fait bien longtemps que l’on entend partout que la ferme France est suréquipée, que des économies de charges de mécanisations sont possibles, etc. Avec un prix du GNR proche des 1,60 € le litre, forcément, les agriculteurs commencent à se poser des questions, mais certains ont anticipé depuis longtemps, et ont réussi à créer un système résilient, qui sera bien moins impacté par la crise actuelle.

 

Comment mes choix lors d’un renouvellement peuvent impacter ma consommation ?

J. H. : Par provocation, je répète toujours en fin de formation que les tracteurs d’aujourd’hui ne consomment pas assez… à l’heure ! Finalement, c’est juste qu’ils n’ont pas d’outils assez large derrière ! Prenez l’exemple d’une faucheuse portée de 3 m. La majorité des exploitants que je rencontre vont mettre un tracteur de 120 à 150 ch devant. Avec cette puissance, le tracteur serait capable d’emmener une faucheuse frontale en plus de la portée arrière sans problème, et donc augmenter considérablement le débit de chantier pour une consommation plus élevée à l’heure certes, mais toujours plus faible à l’hectare. De même, je préconise souvent de passer d’un outil porté à un outil semi-porté, pour soulager le tracteur devant. Prenez un déchaumeur à disques de 3 m : il va falloir un tracteur de 120 à 140 ch pour être en mesure de le lever en bout de champ, mais finalement au travail dans la parcelle, un tracteur de 80 à 100 ch serait totalement capable de faire le même travail. Alors oui, un essieu représente un surcoût important au moment de l’achat d’un déchaumeur. Mais avec un prix du cheval aujourd’hui qui se situe entre 650 et 700 € selon les marques, économiser 40 chevaux représente un gain pouvant aller jusqu’à 28 000 euros. Avec ce budget, vous avez de quoi vous acheter un paquet d’essieux !

C’est donc sur l’optimisation tracteur-outil qu’il y aurait le plus à gagner ?

J. H. : Bien évidemment ! Ce n’est pas nouveau, l’utilisation d’outil frontaux ou de matériel semi-portés est un pas nécessaire à faire pour gagner en traction, et donc en consommation. Pour continuer dans des exemples : dernièrement, je discutais avec un agriculteur qui utilisait un tracteur de 200 ch pour épandre l’engrais, car il avait un épandeur de 4 tonnes de capacité. En ajoutant un essieu sur son épandeur d’engrais, ne serait-il pas gagnant ? Est-ce qu’il mettrait la même puissance devant une petite benne de 5 tonnes ? Bien sûr que non. Des exemples comme cela, il y en a des dizaines. Alors bien sûr, il n’est pas possible de changer l’intégralité de son parc matériel d’un coup, surtout avec l’augmentation des tarifs du matériel que l’on constate en ce moment. Mais tout cela se réfléchit sur un temps long. Et surtout pas sur un coup de tête lors d’une crise du coût de l’énergie, comme nous en vivons une actuellement, même si elle a le bénéfice de faire poser des questions à l’ensemble de la filière.

 

Beaucoup de constructeurs développent de plus en plus de solutions pour aider les agriculteurs à moins consommer, cela va-t-il dans le bon sens ?

J. H. : C’est une erreur de penser que la technologie peut compenser nos incompétences de dimensionnement tracteur-outils. Encore une fois, le système est plus important que la technologie. Bien sûr, des solutions technologiques existent pour nous aider à faire des économies. La télémétrie, par exemple, nous aide à décomposer les chantiers et à analyser en profondeur notre système. Mais généralement, tous les assistants de conduites, le télégonflage, ou n’importe quelle technologie du marché censée faire économiser du carburant ne vous feront économiser que le surcoût de la technologie elle-même ! Le semis direct est un exemple parfait. Avec ce système, je réalise d’importante économie de carburant à l’implantation. Mais lorsque l’on regarde le coût d’un semoir de semis direct aujourd’hui, on se rend compte que l’économie réalisée à l’hectare suffit tout juste à rentabiliser le semoir. Et c’est le cas pour la plupart des technologies présentes sur le marché. Se poser les bonnes questions aidera bien plus qu’attendre que la technologie nous sauve.

 

Bien réfléchir à la puissance nécessaire sur son exploitation lors d’un renouvellement de tracteur est donc la priorité ?

J. H. : Il y a des chiffres à avoir en tête. Peu importe la couleur du tracteur, ou la marque du moteur, un tracteur à pleine charge doit consommer 0,22 litre par heure et par cheval. C’est évidemment impossible de travailler à pleine charge toute l’année, c’est sûr. Mais un tracteur de tête devrait avoir un taux de charge moyen compris entre 60 et 70 %. Or, dans les faits, celui-ci se situe chez nous entre 40 et 50 %. Il est intéressant de regarder attentivement la consommation spécifique dans ce cas de figure. Elle sera toujours meilleure chez un tracteur à plus de 80 % de taux de charge moyen. En passant de 280 g/hWh pour un tracteur de 300 ch à 50 % de charge à 250 g/kWh avec un modèle de 150 ch à 100% de charge, nous réalisons une économie de carburant de 15 % !

 

En poids lourds, de nombreux chauffeurs sont formés à l’écoconduite. Est-ce que cela existe en agricole ?

J. H. : Bien entendu, ce genre de formation existe depuis longtemps un peu partout en France. Personnellement, je parle plutôt d’une formation d’optimisation de la traction me concernant. J’insiste sur le fait que j’arrête de dire que les tracteurs sont trop puissants, mais je me concentre plutôt sur le fait que les outils ne sont pas assez larges. Je propose ainsi des sessions d’une journée, qui sont composées de théorie le matin, sur l’importance de bien dimensionner le couple tracteur-outil, de bien connaître et bien régler les différents modes de conduites qui existent sur les transmissions – car oui, même une transmission à variation continue nécessite des réglages pour être optimisée ! – ou encore refaire un point sur les convergences d’attelage pour le travail du sol notamment. L’après-midi, j’organise des sessions dans les champs, ou sur la route au transport si le temps ne nous permet pas de travailler dans les champs, avec les tracteurs des agriculteurs présents. Je fais toujours faire un passage à l’agriculteur avec ses réglages habituels, et ensuite nous refaisons un second passage après optimisation. Dans tous les cas, j’observe un gain de carburant compris entre 5 et 15 %, juste en modifiant des réglages ou en optimisant la transmission. Finalement, avant même de changer tout le parc matériel, il y a des gains à faire dans toutes les exploitations françaises, c’est plutôt positif !

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