"Vu l’inflation, je ne suis pas en mesure de fixer mes prix pour les travaux du printemps"

"Vu l’inflation, je ne suis pas en mesure de fixer mes prix pour les travaux du printemps"

Avec 300 000 litres de GNR consommés chaque année sur son ETA, l’augmentation du prix des carburants frappe de façon totalement inédite Jean-Noël Boissières, gérant de l’ETA Boissières à Siran, dans le Cantal, qui intervient également dans le Lot et en Corrèze.

Pour alimenter sa flotte de dix tracteurs – de 100 à 310 ch – ses trois ensileuses, ses quatre moissonneuses-batteuses ainsi que ses quatre pelles, ce sont chaque année 300 000 litres de GNR qui sont nécessaires pour mener à bien les différentes activités réalisées par les dix salariés de l’entreprise.

Je suis inquiet sur les tarifs 2022 depuis l’automne dernier, se rappelle le gérant de l’ETA. À l’époque, l’inflation était telle que je voyais déjà une augmentation non négligeable sur le prix de mes différents intrants – comme le plastique d’enrubannage, les filets, ficelles, etc. Mais le prix du matériel ainsi que l’augmentation des coûts d’entretiens étaient en hausse également. J’avais donc décidé dès début janvier d’augmenter l’ensemble de mes prestations de 5 %. J’alertais énormément mes clients et mes partenaires à l’époque, mais j’avais l’impression d’être un peu seul au monde à constater cette hausse non négligeable des différents postes.

 

Une première hausse en début d’année donc, qui s’est suivie d’une deuxième de 10 % au tout début mars, dès que le GNR a commencé à se rapprocher des 1,20 € le litre.

Mais avec son prix totalement inédit qui vient frôler les 2 € le litre, mes deux augmentations successives ne vont pas suffire ! Sur mon exploitation, le GNR a augmenté de 130 % en moins d’un an, note Jean-Noël Boissières. Cela représente une hausse de 300 000 euros des charges, soit près de 15 % de mon chiffre d’affaires annuel ! C’est de la pure folie, ce n’est durable ni pour moi, ni pour les agriculteurs chez qui j’interviens.

 

Un épais brouillard 

 

Alors qu’une baisse du cours du pétrole a été constatée dans la nuit, l’heure reste à l’incertitude pour le chef d’entreprise :

C’est bien simple, depuis la semaine dernière, j’ai pris la décision de geler tous mes tarifs dans l’immédiat, et de voir l’évolution des cours au jour le jour. J’ai de nombreux appels d’éleveurs en ce moment, qui face à la hausse des engrais se posent la question de modifier leurs assolements pour implanter du maïs plutôt que de réaliser du foin ou de l’enrubannage, mais je suis incapable de leur donner un tarif d’implantation et d’ensilage à l’heure actuelle. C’est une situation totalement inédite pour moi ! Face à la hausse des coûts du matériel qui intervient régulièrement depuis dix ans, nous avions peu fait évoluer nos tarifs, car comme nous facturons à l’hectare, le matériel plus performant nous permettait de gagner en débit de chantier. Mais nous sommes arrivés à une limite désormais. Toute hausse de nos charges doit directement être répercutée sur nos tarifs. Ce qui n’est pas viable à terme. 

Être encore présent demain

 

Car l’objectif numéro 1 de Jean-Noël Boissières est bien de pérenniser l’entreprise familiale.

Je préfère jouer la sécurité en étant transparent avec mes clients, quitte à en perdre. Nous sommes dans une zone où la concurrence fait rage, et de nombreux entrepreneurs de mon secteur annoncent des prix qui ne sont, pour moi, pas tenables cette année. Alors oui, je suis prêt à moins travailler cette année, si cela est nécessaire pour ne pas mettre dans le rouge l’entreprise ! D'autant plus que que les impayés à plus de trois mois représentent généralement entre 7 et 8 % de mon CA en temps normal. Donc avec la hausse des coûts qui va arriver cette année, j’ai peur que ce pourcentage augmente encore, et que ce soit double peine pour mon entreprise, avec les charges qui augmentent d’un côté, et les impayés de l’autre également. 

La télémétrie en soutien

Pour construire ses coûts au plus juste, Jean-Noël Boissières peut s’appuyer sur la technologie.

Sur mes dix tracteurs, sept sont équipés de télémétrie, ainsi que deux de mes ensileuses. Avec le soutien très important de mon concessionnaire Défi-Mat, cela me permet d’analyser en profondeur mes différents chantiers, afin d’avoir un coût/ha le plus juste possible. Ainsi, la télémétrie sur mes ensileuses a pu me montrer que ma consommation se situe à 44 l/ha en maïs, déplacement compris. De même, j’ai pu détailler entièrement mes coûts concernant l’enrubannage. Par exemple, je savais déjà que le plastique représente 3,30 euros par botte et le filet environ 50 centimes. Cette année, nous étions déjà sur une hausse d’environ 1 euro du plastique, et de 20 centimes du filet. Mais la télémétrie m’a permis de voir que je consommais 1 litre de GNR par botte produite, déplacement compris. Cette information-là, je ne l’avais pas avec autant de précision avant. Typiquement, sur cette activité enrubannage, avec la hausse des différents postes précédents, auxquels s’ajoute la hausse de la main-d’œuvre de mes salariés et du coût de traction, le tarif à la botte que je facturais l’an dernier n’est plus tenable. Si le prix du GNR se maintient à ce niveau d’ici le printemps, je pense être obligé d’augmenter mon tarif de 30 %, ce qui représente une hausse difficilement tenable pour ma clientèle, j’en ai bien conscience.

Une consommation relativement bien maîtrisée

Face à cette envolée du prix du GNR, la maîtrise de la consommation semble être un levier pour certains, mais pour Jean-Noël Boissières, cela va être compliqué de demander aux chauffeurs de faire mieux. 

Le bilan que nous avions fait avec notre concessionnaire l’été dernier, sur un an d’utilisation des tracteurs équipés de télémétrie, nous montrait que notre consommation se situait en général dans la moyenne basse du secteur. Nous sommes dans une zone de moyenne montagne, avec des pentes importantes dans de nombreuses parcelles, donc bien entendu nous consommons plus qu’en plaine. D'autant plus que le phénomène est accentué par le fait que nous travaillons sur une zone relativement importante, à cheval sur trois départements, avec des parcelles relativement petites. Donc les temps de déplacement sont forcément importants. Globalement, je suis satisfait du niveau de consommation de mes tracteurs et des réglages réalisés par mes équipes. Pour preuve, en 2021, nous avons reçu un chèque de 3 000 euros de John Deere dans le cadre du programme Fuel Guarantee. Lors de l’achat de notre 7R 310, le constructeur s’engageait sur un niveau de consommation du tracteur. Si nous arrivions à faire moins, John Deere nous offrait un chèque de la valeur du GNR économisé. C’est ainsi que nous avions récolté ce chèque.

 

 

 

 

 

 

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