Après des mois de retard dus à une météo pluvieuse, la campagne d’arrachage girondine a pris fin le lundi 7 octobre. 8.000 ha sont concernés par ce dispositif co-financé par l’État et le conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB). La moitié étant destinée à être reboisée, et l’autre à accueillir de nouvelles activités agricoles. Mais de l’aveu même de la Région Nouvelle-Aquitaine – cofinanceuse sur le volet diversification – et de la chambre d’agriculture de Gironde, les projets de diversification sont encore rares.
« Environ 300 viticulteurs ont participé à des réunions, une centaine a pris contact avec la chambre – notamment via le Point Info Diversification – parce qu'ils ont un projet dans les tuyaux, et une trentaine ont des projets plus avancés », estime François Rauscher, responsable du service diversification à la chambre d’agriculture départementale. Du côté de la Nouvelle-Aquitaine, sur l’enveloppe de 10 millions d’euros prévue pour soutenir les viticulteurs s’orientant vers de nouvelles activités, seulement 552.000 euros ont été engagés à ce jour. Le site internet de la Région indique que les dossiers de demande d’aide doivent être déposés au plus tard le 31 décembre 2024, mais le dispositif devrait être reconduit en 2025.
L’impression de régresser
Face à ce peu d’empressement, le CIVB rappelle qu’il y a « tout d’abord une réalité de calendrier ». « Les dates d’arrachage ont été repoussées plusieurs fois à cause des intempéries qui ont empêché beaucoup de viticulteurs de réaliser les travaux d’arrachage. Il y a aussi les difficultés du millésime 2024, entre une forte pression mildiou et le contexte économique. Les viticulteurs ont certainement préféré attendre que les vendanges et les vinifications soient passées pour se poser et réfléchir à leur projet. » Mais ces éléments n’expliquent pas à eux seuls le nombre de démarches aujourd’hui engagées.
« Le facteur psychologique est un vrai frein, constate François Rauscher. D’un côté le fait de devoir arracher représente une violence. De l’autre, certains vivent comme une contrainte la perspective de se lancer dans une nouvelle production. » Longtemps considérée comme une « terre viticole de renom », la Gironde a progressivement abandonné la polyculture au profit de la monoculture de la vigne. Aujourd’hui, la diversification est perçue comme un retour en arrière qui implique une nouvelle charge de travail, des investissements, et ne garantit pas de retrouver l’équilibre. « Il faut vraiment que les gens en aient envie parce que parmi les productions que nous proposons, aucune n’est miraculeuse », insiste le responsable diversification.
Des coop hors viticulture en recherche de producteurs
Si la santé économique de son exploitation lui permet, un viticulteur qui choisit de se diversifier a grosso modo trois voies qui s’offrent à lui.
Dans un premier cas, il a conservé une petite activité d'élevage ou de production de céréales et il décide de l’agrandir. « C’est le plus simple et ce qui marche le mieux. »
Dans un second cas, en fonction des possibilités offertes par son parcellaire et sa ressource en eau, il peut se tourner vers des filières qui existent déjà sur le territoire. « Elles sont nombreuses à rechercher de nouveaux producteurs, observe François Rauscher. En végétal je pense notamment aux coopératives qui font de la noisette et du kiwi, et pour lesquelles il n’y a qu’à lever la main. Du côté de l’élevage, le territoire girondin offre des perspectives sur la volaille, les bovins et les ovins. » Le Médoc dispose notamment d’une IGP Agneau de Pauillac qui produit aujourd’hui trop peu face à une demande croissante. Mais la barrière psychologique à surmonter est encore plus grande dans le cas de l’élevage. « Surtout pour un viticulteur qui a pû être un peu éleveur dans sa jeunesse et pour qui la monoculture était une progression », souligne le responsable.
Les pionniers de l’olivier et du chanvre
Enfin, la troisième voie englobe « les pionniers » c’est-à-dire ceux qui développent un atelier complémentaire qui ne demande pas beaucoup d’investissements, comme les poules pondeuses ou les pommes de terre, et dont la production est vendue en circuit court. Ainsi que ceux qui se lancent dans des espèces qui n’existaient pas en Gironde, notamment l’olivier et le chanvre – plus destiné à l’alimentation et au bâtiment qu’à la production de CBD – autour desquels des groupes de producteurs sont structurés. Une unité de traitement du chanvre est d’ailleurs en projet.
Assez médiatisées, ces cultures n’en sont encore qu’au stade d’essai, et les producteurs concernés se sont lancés il y a déjà quelques années. En outre, les acteurs du monde agricole girondin prennent garde à ne pas passer d’une monoculture à une autre. « On ne veut surtout pas faire une deuxième viticulture et laisser penser qu’en Gironde on arrache de la vigne pour mettre des oliviers partout, clarifie François Rauscher. On s’adapte, on fait du sur mesure. »
>>> À lire aussi à ce sujet :