Matériel végétal : responsable mais pas coupable ?

Comment savoir si des plants sont de bonne qualité ? La réglementation apporte des réponses en matière sanitaire notamment, mais la qualité interne des bois est aujourd’hui impossible à estimer. Photo : I. Aubert/pixel image

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Quel rôle joue le matériel végétal dans les dépérissements du vignoble ? S’il est indéniable qu’il existe un lien, sa nature est encore loin d’être éclaircie. Sans attendre les résultats des recherches en cours, c’est un axe du plan de lutte contre les dépérissements que les interprofessions lancent ce printemps.

« Vigneron dans le Gaillacois, je constate que mes vignes les plus anciennes, greffées à l’anglaise ont une mortalité moindre que les autres. Si on fait une coupe d’une souche morte, on s’aperçoit que la maladie du bois est souvent bien au-dessus du point de greffe et que les porte-greffe sont sains. Les vignes des années 1980 à 1996, greffées oméga, sont plus sensibles aux maladies du bois. Si on fait une coupe, on retrouve la maladie au niveau du point de greffe. Les vignes plantées ces vingt dernières années ont les mêmes problèmes que les vignes des années 1980, avec en plus une nouvelle pathologie : si on coupe une souche morte, souvent les porte-greffe sont de 10 ou 50 % secs et les ceps ne peuvent pas être regreffés. »

Comme notre lecteur, peut-être avez-vous fait aussi ce genre d’observations troublantes. La qualité du matériel végétal interviendrait-elle dans l’épidémie de maladies du bois et de dépérissements divers dont le vignoble français est victime ?

Sans aucun doute. Mais le lien n’est probablement pas aussi évident qu’il n’y paraît. « Pour être sûr de l’impact d’un type de greffe ou d’un autre facteur, il faudrait pouvoir comparer toutes choses égales par ailleurs, le même assemblage porte-greffe/cépage, la même date de plantation, etc., explique Pascal Bloy, directeur du pôle national matériel végétal de l’IFV. Ces observations de terrain ne permettent pas de conclure. »

Des symptômes sur des syrahs franches de pied

S’il n’existe pas, à ce jour, d’essai en bonne et due forme pour mesurer l’impact des types de greffes sur les maladies du bois, des comparaisons entre différentes formes de greffes (anglaise, omega, sur place, greffe  bouture herbacée) ont été implantées en 1997-1998, dans le cadre des recherches sur le dépérissement de la syrah.

Rien n’empêchera les observateurs de noter, à l’avenir, si des maladies du bois apparaissent sur la parcelle. Mais il faut attendre que les symptômes se manifestent.

Pour le dépérissement de la syrah, les résultats de ces essais (pour les suivis de 2001 à 2009) ont montré que les crevasses symptomatiques apparaissaient au même rythme pour les deux modalités greffées sur table.

Pour ce qui est des greffes en place et des greffes boutures herbacées, elles semblent retarder l’apparition des symptômes mais ne permettent pas de les éviter.

« Pour la syrah, ni la greffe omega ni la greffe anglaise ne sont à l’origine du dépérissement », indique Anne-Sophie Spilmont, co-auteur de l’étude à l’IFV. Une certitude d’autant plus forte que des symptômes de dépérissement ont été repérés sur des vignes franches de pied en Amérique du Sud !

« Toutefois, la blessure (greffe ou première taille pour les francs de pied) semble jouer un rôle dans le déclenchement du dépérissement. » Ce dernier ne parvient à son stade ultime que si d’autres facteurs sont présents (clone sensible, vigueur, climat…).

On le voit. Le dépérissement de la syrah, tout comme les maladies du bois, sont des phénomènes complexes. C’est cette complexité qui retarde la découverte d’avancées opérationnelles. Et c’est justement pour tenter d’agir sur les symptômes, même sans avoir une connaissance totale des mécanismes en jeu, que les interprofessions viticoles viennent de lancer un plan de lutte national contre les dépérissements du vignoble.

Celui-ci comporte un volet « recherche », qui visera à approfondir les connaissances et trouver des moyens de lutte.

Mais il comporte aussi un volet « matériel végétal » qui vise à renforcer les liens avec les pépiniéristes. Le constat a en effet été fait que les liens se sont distendus entre la production de vin et celle des plants de vigne.

Une des ambitions de ce plan sera donc de réintégrer la production de matériel végétal dans la filière.

La qualité a un coût

Des initiatives existent déjà, d’ailleurs. Comme dans le Centre-Loire, où une structure a été créée afin de fournir des plants haut de gamme, issus de sélection clonale ou massale. Cep Sicavac fournira les greffons, les viticulteurs se positionneront 18 mois à l’avance et les pépiniéristes s’engageront sur un cahier des charges.

Ces plants occasionneront un surcoût, mais c’est un calcul à faire s’ils permettent d’améliorer la longévité.

En Sancerre, où l’on estime qu’un pied produit une bouteille, il suffit de gagner une année de production pour absorber ce surcoût.

Plus généralement, comment savoir si des plants sont de bonne qualité ? Derrière ce mot se cachent en effet plusieurs notions.

La qualité des plants de vigne fait l’objet d’une réglementation, dont le respect est contrôlé par France AgriMer. Il y a la qualité sanitaire (absence de virose) qui est bien connue. Mais au plan physique, les plants doivent aussi répondre à des exigences en matière de régularité et de solidité de soudure, de nombre et de répartition des racines, d’aoûtement, de présence de réserves.

Si ce dernier point est difficile à mesurer, la qualité interne des bois, elle, semble impossible à estimer. « à chaque fois que l’on blesse un plant, on provoque un cône de dessèchement dans le bois, rappelle Pascal Bloy. C’est vrai lors de la taille, par exemple, mais cela peut aussi concerner les porte-greffe. L’ébourgeonnage, qui se faisait auparavant au sécateur, puis à la machine à couteaux, pouvait, dans certains cas, occasionner des plaies (boutures tordues ou mauvais réglage, par exemple). Aujourd’hui, les machines à brosse tendent à remplacer les anciennes techniques et sont beaucoup moins traumatisantes pour le plant, car seul le bourgeon est enlevé. »

Un élément qui pourrait être intéressant à vérifier lors de vos prochains achats. Tout en gardant à l’esprit que la qualité a un prix.

Nouvelles techniques d’imagerie
Un « scanner » pour visualiser l’intérieur des ceps sans les détruire

Cette image montre comment une IRM permet de visualiser les flux de sève à l’intérieur de la vigne, sans détruire le plant. Ici, un éborgnage a laissé une zone sans vaisseaux (à gauche) sur un jeune plant greffé-soudé. Photos : Anne-Sophie Spilmont, IFV (extrait de Milien et al, Scientia Horticulturae 144 (2012) 130–140)

Utiliser l’imagerie médicale pour diagnostiquer la présence de nécrose dans les ceps sans les détruire : l’idée est prise au sérieux par l’IFV, qui a déjà utilisé la tomographie pour le dépérissement de la syrah et travaille actuellement sur la faisabilité de l’IRM pour mieux comprendre le dépérissement du porte-greffe 161-49C. « La tomographie RX permet notamment de bien faire ressortir les vaisseaux du xylème, tandis que l’IRM apporte des informations dynamiques car elle permet de visualiser les zones riches en eau et peut aussi permettre de mesurer les flux d’eau », explique Anne-Sophie Spilmont, chargée du projet à l’IFV. à terme, ces techniques pourraient apporter des réponses sur les maladies du bois, car ces dernières, bien que beaucoup étudiées, sont encore mal connues pour ce qui est des mécanismes internes (développement des champignons, notamment).
L’une des difficultés réside en effet dans l’absence actuelle d’un outil permettant de « visualiser » le développement des champignons dans le cep avant l’extériorisation foliaire des symptômes. Toutes les analyses sont faites a posteriori sur souches arrachées ou pelées. Il n’est donc pas possible de savoir à quel stade de la maladie se trouve une souche n’extériorisant pas les symptômes. « La possibilité de recourir à des outils d’imagerie qui permettront de "voir" l’intérieur des souches vivantes semble très prometteuse », se réjouit la chercheuse.
Ces deux séries d’images issues de tomographie RX montrent deux plants différents et permettent de distinguer une « bonne » greffe (images A, B, C) d’une moins bonne (images D, E, F).

Retrouvez cet article dans Viti Les Enjeux n°24 de mai 2016

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