
Le manque d'eau en 2023 dans l'ouest de l'Hérault a entraîné une baisse de vigueur de certaines vignes, ce qui complique la taille.
© Séverine Favre150 mm en 2023 dont presque un tiers en décembre. C’est tout ce qui est tombé sur les bords ouest de l’étang de Thau, une zone réputée pour être très sèche dans le département de l’Hérault. « C’est sec, mais d’habitude, il pleut tout de même entre 400 et 600 mm par an », explique Pierre Laux, viticulteur et vice-président de la cave des Costières de Pomerols.
Le déficit hydrique a entraîné un développement végétatif de la vigne très faible. « Sur certaines parcelles, on ne sait pas comment tailler. Trouver des bons bois relève du défi. Sur des pieds, pour ne pas épuiser les souches, il faut diminuer le nombre d’yeux. C’est du rendement en moins pour 2024. »
Une menace climatique
Or dans la zone AOC de picpoul-de-pinet, chaque hectolitre compte. Le vin blanc produit entre Sète et Agde, sur les bords de la Méditerranée, vit une véritable success-story. L’accession au statut d’AOC et l’ouverture du marché anglais ont bouleversé le vignoble de 1.500 ha. Pour les producteurs de picpoul, la menace n’est pas commerciale, mais climatique.
Et l’année 2024 n’augure pas forcément du mieux. « L’épisode de pluie du 10 janvier [environ 60 mm] a permis d’améliorer temporairement l’hydrologie des cours d’eau de l’ensemble du département, rappelle la préfecture. En revanche, le niveau des nappes souterraines a peu augmenté et reste insuffisant localement. Au regard de ces éléments et des prévisions météorologiques à court terme », des bassins-versants sont d’ores et déjà classés en crise ou en alerte renforcée et la nappe souterraine astienne, sur laquelle s’étend le vignoble de picpoul, est, elle aussi, en alerte renforcée. Les voyants sont au rouge.
L'indicateur "niveau des nappes" du BRGM compare le mois en cours par rapport aux mêmes mois de l’ensemble de la chronique, soit au minimum 15 ans de données, et ce, jusqu'à plus de 100 ans. Il est réparti en 7 classes, du niveau le plus bas (en rouge) au niveau le plus haut (en bleu foncé).
Le conseil départemental s’engage dans les retenues
Face à cette pénurie d’eau pour la viticulture, le Département de l’Hérault soutient la création de retenues hivernales complémentaires au réseau hydraulique régional Aqua Domitia. Et l’une d’elles pourrait bénéficier aux producteurs de picpoul d’ici 2026-2027, si un consensus émerge entre toutes les parties prenantes.
Inutile de préciser que sur ce dossier, le conseil départemental de l’Hérault marche sur des œufs. Toutes les précautions sont prises pour que les Héraultais adhèrent au projet et ne fassent pas d’amalgame avec les méga-bassines poitevines.
« Il est totalement exclu de puiser dans des nappes phréatiques ou de détourner des cours d’eau pour alimenter ces retenues. Elles seront alimentées par l’eau du Rhône quand le fleuve est au plus haut et le réseau existant non utilisé. Il s’agit, au final, de stocker l’eau en hiver dans ces futures retenues et d’utiliser cette ressource pour l’irrigation en été. »
Trois projets sont en concertation. Chacun pourrait alimenter en eau un millier d’hectares majoritairement couverts de vigne. Si la localisation exacte des sites n’est pas encore définitive, il est très probable que les retenues se déploient sur des terres agricoles. « Une centaine d’hectares de vigne disparaîtront pour en pérenniser 3.500 », indique Yvon Pellet, conseiller départemental de l'Hérault et vice-Président délégué à l'économie agricole et à l'aménagement rural.
Maintenir la viticulture et peut-être diversifier
31 millions d’euros de budget public seront nécessaires pour créer les retenues et les relier au réseau existant. Le reste à charge, non subventionné, pour les viticulteurs devrait osciller entre 1.000 et 4.000 €/ha. « En contrepartie du raccordement, les vignerons qui, comme moi, prélèvent de l’eau sur la nappe astienne renonceront à leur forage », indique Pierre Laux.
« Les projets de retenues hivernales sont vus comme une solution de transition, permettant de donner à l’agriculture le temps nécessaire pour s’adapter au changement climatique. L’arrivée de l’eau permettra aussi l’installation de maraîchers ou d’arboriculteurs. On sort progressivement de la monoculture, précise le conseil département de l’Hérault pour répondre aux critiques. Actuellement, la viticulture c’est 10.000 emplois directs, sans compter les emplois indirects. Il faut se rappeler que notre département est peu industrialisé. Donc toute partie de l’économie qui pourrait disparaître nous fragiliserait davantage et aura du mal à être remplacée. »
Séverine Favre

Le Rhône aura-il moins d'eau en 2050 ?
Le Rhône fait partie des grands fleuves européens avec une longueur de 810 km. C’est aussi le fleuve français métropolitain le plus puissant. Mais avec le changement climatique,il faut se préparer à ce que moins d’eau coule en été dans le Rhône. Les modèles prédictifs utilisés s’accordent sur cette tendance tout au long du fleuve, plus marquée vers son embouchure.
Pour les débits moyens annuels, les projections ne dégagent pas de tendance à l’horizon 2055. Dans 30 ans, la fonte des glaciers apportera encore une contribution aux débits d’étiage. Néanmoins, la contribution de la fonte glaciaire a déjà dépassé son pic et ira décroissant.
D’ici la fin du XXI e siècle, les Alpes françaises pourraient être en grande partie libres de glace, avec des glaciers ne subsistant que dans les massifs du Mont-Blanc et du Pelvoux. Le manteau neigeux contribuant aux écoulements printaniers et estivaux sera très réduit.
Une accentuation des contrastes intersaisonniers est très probable, avec une augmentation des débits hivernaux (de l’ordre de +25 % à Beaucaire dans le Gard) et une accentuation des étiages. Proche de l’embouchure, les débits d’étiage pourraient baisser encore de l’ordre de 20 % en moyenne dans les 30 prochaines années.