Orge de printemps bio : ils recherchent la fertilisation optimale

Alain et Benjamin Saboureau, associés de l’EARL Terravita, testent en 2024 trois modalités de fertilisation dans une parcelle d’orge de printemps. Objectif : déterminer le meilleur compromis entre rendement et coût de fertilisation.

Hero crops - suivi terminé

« Pour la modalité à 5,5 t/ha de fientes, on observe une gain de rendement de 4,7 q, soit une augmentation du chiffre d'affaires d'environ 1.600 euros/ha », détaille Alain Saboureau.

© Léa Frehel/Pixel6TM

« Au-delà d’être de bons techniciens, les agriculteurs sont des gestionnaires d’entreprise, indique d’emblée Alain Saboureau, céréalier bio dans les Deux-Sèvres et associé de l’EARL Terravita. Nous surveillons donc nos coûts de production. »

Alain et Benjamin Saboureau ont fait le choix d’être très vigilants quant à la gestion économique de leur exploitation. D’ailleurs, ces producteurs ont mené un travail de fond sur la valorisation de leurs récoltes. Aujourd’hui, ils maîtrisent entièrement leurs circuits de commercialisation.

La maîtrise des débouchés, un enjeu majeur

Une partie des céréales récoltées sur l’exploitation est vendue selon les opportunités du marché. « Nous stockons notre récolte et nous suivons les cours, ce qui nous permet de vendre au meilleur prix », décrit Alain Saboureau.

En parallèle, les deux associés transforment une partie de leur récolte de céréales et d’oléagineux. Durant l’année, ils produisent 10.000 litres d’huile et 30 tonnes de farine, qu’ils commercialisent en direct.

De plus, Alain et Benjamin Saboureau se sont imposé un travail régulier sur l’optimisation des charges.

Agir pour réduire les coûts de production

D'ailleurs, cette année, ils s’intéressent aux coûts de fertilisation de l'orge de printemps. L’année dernière, ils ont fait appel à un prestataire pour épandre la fiente de volailles.

L’entrepreneur a opéré avec un matériel équipé d’un déflecteur pour éviter les projections sur les routes et les chemins. Les bordures de la parcelle ont donc reçu une dose de fertilisants plus élevée que le milieu de la parcelle.

« La croissance et le rendement des plantes situées en bordure de parcelle étaient absolument incomparables. Malheureusement, aucune donnée chiffrée n’a pu être relevée », regrette Benjamin Saboureau.

« L’effet bordure a pu aussi fausser nos observations », ajoute Benjamin Saboureau, qui souhaite aujourd’hui collecter des données précises.

Déterminer la dose optimale de fientes de volailles

Pendant la campagne 2024, les producteurs mènent donc des essais sur une parcelle de 9,5 ha. Objectif : déterminer la dose optimale de fertilisation à apporter sur l’orge de printemps.

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  • Le 15/01/2024, un labour a été réalisé à une profondeur de 15 cm : « Ce travail mécanique a pour objectif d’enfouir la biomasse dans les premiers centimètres du sol, dans la zone aérobie pour optimiser sa dégradation », explique Alain Saboureau.
  • Le 19/02/2024, entre deux averses, un prestataire épand les fientes de volailles avec un épandeur à fumier muni d’une table d’épandage. Les fientes de volailles dosées à 3,8 % d’azote, 2,8 % de phosphore et 2,4 % de potasse sont apportées à des doses différentes dans la parcelle. Trois modalités sont mises en place : une à 2,5 t/ha, une autre à 5 t/ha et la dernière à 7,5 t/ha.
  • Le 13/03/2024, après une longue attente liée aux conditions météorologiques, la parcelle est enfin ensemencée. Cette opération est réalisée avec de la semence d’orge fermière (variété Lauréate) à la dose de 160 kg/ha, soit 420 grains/m². Benjamin et Alain Saboureau sèment en ligne avec un semoir combiné (herse/semoir) à un écartement de 12,5 cm. « Les conditions de semis ne sont pas idéales en raison des pluies intenses enregistrées début janvier et fin février. Le sol est donc motteux », explique Alain Saboureau.

Orge de printemps (levée)

Benjamin et Alain Saboureau ont semé en ligne avec un semoir combiné (herse/semoir) à un écartement de 12,5 cm à la dose de 160 kg/ha.

© Alain Saboureau

  • Le 18/04/2024 : un passage de herse étrille a été réalisé au stade quatre feuilles.  « À la mi-avril, il était possible de distinguer les modalités entre elles. En effet, les plantes les plus fertilisées, celles de la modalité  7,5 t de MO, étaient d’un vert bien prononcé. Les autres plantes, elles, étaient plus claires », assure le producteur. Outre la coloration, Alain Saboureau n’a pas observé de différence d’une modalité à l’autre. La hauteur de l’orge, la biomasse aérienne et le nombre d’adventices présentes dans la culture restent sensiblement les mêmes.  

  • Le 14/05/2024 : « Aujourd’hui, au stade fin tallage, la coloration s’est uniformisée sur l’ensemble de la parcelle », conclut Alain Saboureau. 

Orge de brasserie stade fin tallage

© Alain Saboureau

En raison des pluies abondantes de ce début de printemps 2024, la croissance de certaines adventices a été fortement stimulée.

  • Le 26/07/2024 : la moisson de l’orge de printemps s’organise. « La pluie du 19 juillet a retardé la récolte d'une semaine », explique Alain Saboureau. D’ailleurs, durant cette campagne, l’orge semé au printemps n’a pas manqué d’eau : « La pluviométrie moyenne est de 800 mm en temps normal. Durant la campagne, il est tombé 1.250 mm. Dans nos petites terres séchantes, c’est une bonne chose, car l’eau est vite drainée et ne s’accumule pas. Ces précipitations régulières ont maintenu la nutrition hydrique pendant la culture », assure le producteur.

D’ailleurs, ces conditions se reflètent à la récolte. Cette année, les rendements moyens avoisinent les 28 q/ha. Plus précisément, le témoin fertilisé à 2,5 t de fiente produit 27,2 q/ha, l’essai à 5,5 t produit, lui, 31,90 q/ha, alors que la bande à 7,5 t de MO décroche complètement avec un rendement de seulement 14,6 q/ha.

« Pour la modalité à 5,5 t/ha de fientes, on observe un gain de rendement de 4,7 q, soit une augmentation du chiffre d'affaires d'environ 1.600 euros/ha, C'est donc une modalité trés intéressante, assure Alain Saboureau.  En revanche, pour la modalité à 7,5 t, nous n'expliquons pas cette perte de rendement de 50 %. »

Récolte d'orge campagne 2024

Cette année, à l’EARL Terravita, les rendements d'orge de printemps avoisinent les 28q/ha.

© Léa Fréhel

En cours de culture, sur cette modalité à 7,5 t, le producteur a observé un développement aérien de l'orge plus important. La flore adventice et la densité du peuplement de la culture semblaient, en revanche, identiques à celles du témoin : 

« L’azote apporté a pu stimuler la production de feuillage au détriment du grain », avance Alain Saboureau, sans pour autant être formel. L’année prochaine, Alain et Benjamin Saboureau recommenceront cet essai.

L'avis des techniciens

Lou Bugeia-Gane, technicienne grandes cultures à la Corab (17)

« Cette donnée à 14,6q/ha est assez surprenante », s’étonne d’emblée Lou Bugeia-Gane, technicienne spécialisée en grandes cultures pour la Corab, une coopérative bio de Charente-Maritime.

Lorsqu’elle est interrogée sur les causes potentielles de cette baisse de rendement, elle évoque deux points de vigilance : « Pour commencer, il aurait fallu avoir des mesures précises sur le peuplement et sur les adventices. Une donnée de rendement ne suffit pas à émettre des conclusions solides. Par exemple, la fertilisation a pu favoriser les adventices au détriment de la parcelle ou nuire à la levée », rappelle la technicienne de la Corab. Les observations visuelles simples sont donc insuffisantes. Il faut compter !

Outre l’absence de relevé de terrain, les essais en bande restent difficiles à maîtriser : « La largeur de la bande doit correspondre à la largeur de la coupe de la moissonneuse. Et même quand les largeurs sont identiques, on peut dévier et donc moissonner le témoin », n’hésite pas à souligner la spécialiste de la Corab.

Mais cela n’explique une baisse de 50 % de rendement : « À peuplement et enherbement identiques, on peut imaginer que les végétaux de l'essai à 7,5 t ont produit du feuillage au détriment du grain. Pour moi, cette explication n'est pas forcément la bonne, souligne la technicienne, qui écarte la piste d'un problème lors de la fécondation. En revanche, un excès végétatif couplé à des conditions pluvieuses peut favoriser l'apparition de maladies fongiques, ce qui pourrait expliquer la perte de rendement sur la modalité la plus fertilisée. »

Aurélien Roy, technicien à l’Atelier de Champs (17)

Du point de vue d’Aurélien Roy, conseiller en agronomie et agroécologie chez l’Atelier des champs, un cabinet de conseil indépendant situé en Charente-Maritime, il manque une répétition à cet essai :

« Potentiellement, c’est l’effet hétérogène de la parcelle qui s’exprime ici. Cette année a été marquée par des excès d’eau. Si la modalité à 7,5 t de fiente était localisée sur une zone plus argileuse, alors il y a pu avoir de l’asphyxie racinaire, ce qui expliquerait cette baisse importante de rendement », avance le conseiller, qui recommande à tous les producteurs de toujours mettre en place au moins deux bandes par modalité lorsqu’ils réalisent un essai au champ.

 

L’EARL Terravita, Deux-Sèvres

Deux associés : Alain et Benjamin Saboureau

Mode de production : agriculture biologique depuis 2019

SAU : 155 ha

Cultures de vente : avoine, blé, épeautre, engrain, seigle, blé dur, orge de printemps, pois chiche, féverole, colza, tournesol, cameline, maïs, millet, sorgho

Luzerne : 30 ha

Nature du sol : argilo-calcaire

Profondeur du sol : 15 cm

Pluviométrie moyenne : 800 mm du semis à la récolte du blé tendre

Rendements moyens :

  • Céréales, entre 20 et 30 q/ha
  • Oléagineux, 15 q/ha
  • Pois chiches, 10 q/ha

Surfaces irrigables : absence

Gestion du sol : labour