« Il faudra compter cinq ans pour se remettre d’un gel aussi dur »

Visite de la FNPF dans la Drôme suite au gel. Photo Stéphanie Prat, FNPF
« Nous n’avons jamais connu cela », se désole Françoise Roch, présidente de la FNPF, assommée par l’épisode de gel qui a touché la France de plein fouet dès le 5 avril. Les vergers précoces de fruits d’été, prunes-pêches-abricots, sont les plus touchés. Pour les vergers de pommes et de poires, encore en floraison, les professionnels sont encore dans l’attente pour un diagnostic plus précis des dégâts.
 
50% des fruitiers en France, toutes espèces confondues, ont été touchés par le gel, chiffre Françoise Roch. Le phénomène est d’autant plus dramatique qu’il a touché des régions historiquement épargnées par les gels printaniers, en particulier le Sud-Est. « Côte-d’Azur et Bouches-du-Rhône : ces zones n’avaient jamais connu ce genre de gelées. Sans système de protection pour ces vergers, les conséquences sont désastreuses. Pour d’autres secteurs, notamment ici dans le Tarn-et-Garonne, le gel de 91 avait conduit les producteurs à s’équiper de systèmes d’aspersion, ce qui a permis, on l’espère, de sauver une partie de la récolte. »

Aides directes faibles

Pour l’arboricultrice, il faudra attendre pas moins de cinq ans pour espérer retrouver une bonne santé économique des exploitations. « Les aides financières correspondent pour beaucoup à des reports de charges, qu’il conviendra de payer à un moment. Quant aux aides directes, elles sont très faibles », juge Françoise Roch. « Pour les producteurs ayant au maximum 50 % de leur production détruite, il est possible d’espérer des prix supérieurs pour le reste des volumes. Mais pour ceux qui ont perdu 70 % ou plus, la hausse espérée des prix ne compensera pas les pertes. Les pépiniéristes nous font déjà part d’annulation de commandes, en prévision de trésoreries amputées. Alors nous demandons à l’État des aides à la rénovation des vergers, afin de soutenir une démarche proactive de replantation avant de perdre nos marchés. » La perte de marché, surtout pour le grand export, est en effet une préoccupation centrale des professionnels français. Enfin, la récolte 2022 devrait être « historiquement élevée » s’il n’y a pas d’accident climatique, suite au repos des vergers touchés en 2021, avec des coûts de récolte élevés, et des prix de vente faibles, s’inquiète la présidente de la FNPF.
 
Très peu confiante dans les décisions des pouvoirs publics de soutien aux agriculteurs, Françoise Roch dénonce : « Je suis très choquée d’avoir appris hier que l’UE bloque l'indemnisation des exploitants au titre du dispositif des calamités agricoles à 40% pour les pertes les plus importantes, alors que nous avions demandé 75 % pour les producteurs ayant perdu 80 % ou plus de leur production. Nous avions hier une réunion en visio avec le ministre de l’Agriculture, et des groupes de travail par filière vont être montés pour proposer des solutions. De notre côté, nous espérons que la France va demander à l’Europe de changer sa position, afin de déplafonner ce niveau de 40 % des pertes, sans quoi le nombre de producteurs laissés sur le carreau sera encore plus important qu’annoncé ! »