
Bruno Darnaud, au micro, fait le point sur un an de réforme assurance multirisque climatique.
© S.Beaudoin/Media et AgricultureLa réforme de l’assurance multirisque climatique entrée en vigueur au 1er janvier 2023 a pour objectif de créer un « choc assurantiel », c’est-à-dire d’encourager les agriculteurs à s’assurer dans un contexte où les aléas climatiques sont récurrents.
Dans son discours introductif au congrès, Bruno Darnaud, arboriculteur et en charge du dossier assurance climatique à la FNPF, précise : « Si cette réforme a été mise en place, c’était aussi pour instaurer une couverture des risques universelle, promouvoir un dispositif simple et transparent et développer le taux de souscription de l’assurance récolte en la rendant accessible à tous. »
Pour rappel, avant la réforme, les agriculteurs assurés ne pouvaient pas bénéficier des calamités agricoles. « Avec ce nouveau système, normalement, tous les agriculteurs, assurés ou non assurés, devraient être traités de la même façon », espère-t-il.
Enveloppe de 680 millions d’euros par an
Avec un budget annuel de 680 millions d’euros, il est prévu la création d’un dispositif unique articulant solidarité nationale et assurance, mais aussi l’établissement d’un guichet unique et l’harmonisation des paramètres et de la méthodologie de calcul des pertes et de l’indemnité.
« Les agriculteurs sont assujettis d’une taxe de 11 % sur leur contrat d’assurance, ce qui représente 120 millions contre 60 millions l’an passé, l’Union européenne avec le Feader subventionne l’assurance à hauteur de 184 millions d’euros contre 140 l’an passé. Le reste de la subvnetion, par l’État, 295 millions, c’est sur le fonds de solidarité national », explique Bruno Darnaud.
La réforme, c’est un dispositif à trois niveaux : agriculteur, assureur, État. « Il y a trois parties prenantes et sont pris en compte 15 aléas climatiques. Les cotisations sont subventionnées à hauteur de 70 % pour 2023, ce qui a permis de baisser les cotisations », poursuit le membre du bureau de la FNPF.
Augmentation du nombre d’assurés
Le nombre d’assurés a augmenté depuis la réforme. « Le nombre de surfaces assurées de France est passé de 4 millions d’hectares à un peu plus de 5 millions d'hectares en 1 an, toutes filières. En 2022, 3.500 ha de fruits étaient assurés, aujourd’hui c’est 18.000 ha. Chez Pacifica, nous en avions 2.700 ha en 2022, 14.000 ha en 2023 », précise Jean-Michel Geeraert, directeur du marché et de la prévention de Pacifica.
Actuellement à 12 %, l'objectif grâce à la réforme est d'atteindre 30 % d'assurés en arboriculture.
Assurés ou non-assurés ?
Ne pas s’assurer est un risque qu’il faut calculer. L’assurance multirisque climatique a été mise en place pour assurer les « coups durs » que la filière doit supporter. Si un agriculteur décide de ne pas assurer ses fruits, une fois passé le seuil de 30 %, il pourra bénéficier de l’indemnité des pouvoirs publics.
« L’indemnisation 2023 est égale à 40 % pour les non-assurés, c’est-à-dire : un non-assuré qui subit une perte de 100 %, avec les 30 % de franchise, sa quantité indemnisable est égale à 70 %, au taux de 40 %. Il sera indemnisé à hauteur de 28 % de la valeur assurée », explique Jean-Michel Geeraert. L’an prochain, le taux sera réduit à 35 %. La FNPF souhaite se mobiliser pour maintenir le taux de 45 %.
Un assuré, pour une perte de 100 %, sera indemnisé à hauteur de 75-80 % selon la franchise choisie.
Groupama rappelle que dans l'assurance, sont garantis aussi les frais supplémentaires de récolte comme la réimplantation de la culture, le tri de récolte, la prise en compte de la perte de qualité, etc.
Un contrat grêle en plus
Avec l'assurance multirisque climatique, l'assurance grêle à la parcelle est désuète. David Massot, arboriculteur sur trois sites dans les Pyrénnées-Orientales, s'interroge. « En 2023, 40 % des agriculteurs ont choisi de conserver le contrat grêle ou de s'y souscrire en plus de l'assurance multirisque climatique. Il est tout à fait possible de cumuler les deux et l'assurance grêle couvrira alors la perte de 20 % en dessous de la franchise », répond Jean-Michel Geeraert.
En 2024, les arboriculteurs ont jusqu'au 29 février pour choisir leur assureur.
Moyenne olympique repensée ?
La moyenne olympique fait débat. Ce système de calcul a été entériné en 1994 lors de l'accord de Marrakech qui a institué l’Organisation mondiale du commerce. Repenser la moyenne olympique au niveau français est donc impossible.
« Nous travaillons au niveau européen sur la question. Un rallongement de la durée, 8 ou 10 ans, pourrait être une idée. Nous avons ouvert les débats mais nous ne pourrons pas modifier les accords internationaux. Dans le cadre européen, nous pouvons arriver à jouer sur la durée prise en compte, reste à savoir avec la profession laquelle sera la plus adéquate », a affirmé Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire lors d’une intervention au congrès.
>>> Lire notre article sur la présence des ministres au congrès : Après les paroles, la filière fruit veut des actes
Actuellement, tous les arboriculteurs de tous les départements rapportent ce problème de calcul. La filière fruit a connu de nombreux aléas ces dernières années. « Beaucoup d’arboriculteurs ont des rendements très bas », insiste Bruno Darnaud.
Les assureurs s’accordent sur cette problématique. La moyenne olympique peut se définir de deux façons, soit une moyenne sur les trois dernières années, soit une moyenne sur les cinq dernières en retirant les deux extrêmes. Pour Pacifica ou Groupama, l’offre assurantielle doit être construite et adaptée aux productions. Chacun inclut également les moyens de protection mis en place sur l’exploitation pour réduire les cotisations. « Nous pouvons moduler le tarif de près de 50 % en tenant compte des installations de protections pour la grêle », souligne Nadia Roignant-Creis, directrice du marché agricole de Groupama.
Déclaration avant le 31/03
La mise en place d’un interlocuteur agréé doit être effective en 2024. Le principe reste encore assez vague selon la FNPF.
La plateforme de déclaration devrait être ouverte jusqu’au 31 mars. « Une plateforme sera mise à disposition de l’ensemble des exploitants agricoles et, d’ici à la fin mars, les exploitants qui n’auront pas fait la démarche de désignation d’un interlocuteur agréé ne pourront pas bénéficier de l’indemnité de solidarité nationale (ISN) », explique Jean-Michel Geeraert, directeur du marché et de la prévention de Pacifica.
Ainsi, tous les exploitants de France qui n’ont pas assuré 100 % de leur culture ou qui ont des prairies sont obligés de désigner un interlocuteur agréé. Par exemple, dans le Vaucluse, la plateforme est déjà ouverte.
« Tous les agriculteurs partiellement assurés devront se déclarer sur la plateforme en ligne jusqu'au 31 mars au plus », répète Bruno Darnaud.
Sabrina Beaudoin
>>> À lire aussi : Risque de gel : l’assurance paramétrique couvre un aléa, pas un dégât