Des vins rouges plus tendres, plus buvables, moins tanniques et avec un degré d’alcool contrôlé, tel est le credo du Domaine Boisson depuis quelques années. « Le réchauffement climatique que l’on subit dans le sud de la vallée du Rhône nous amène, si l’on ne modifie pas certaines de nos pratiques à la vigne et au chai, à produire des vins rouges lourds titrant facilement à 15-15,5 degrés d’alcool », introduit Bruno Boisson, vigneron copropriétaire d’un domaine de 28 ha situé à Cairanne.
Décision a donc été prise de vendanger en deux fois les vignes les plus précoces et une partie de celles servant à élaborer les vins les mieux valorisés en AOC cairanne. « L’objectif est double : avoir des vins moins structurés et contenir le taux d’alcool à 14. Une première vendange manuelle se fait 7 à 10 jours plus tôt, en légère sous-maturité phénolique. Les raisins passent en pressurage direct pour une vinification en rosé. Ainsi, on ne retrouve pas les tannins durs et verts que l’on pourrait avoir si l’on menait une vinification en rouge. »
Le vin rosé ainsi élaboré présente généralement un taux d’alcool autour de 12 degrés et une belle acidité. Vinifié sans ajout de SO2, mais suivi microbiologiquement, il servira de pied de cuve pour la seconde vendange. « Pour remplir mes cuves béton de 140 hl, j’estime avoir besoin d’une benne précoce pour 8 à 9 bennes "normales", précise le vigneron Et globalement, à l’échelle de notre vignoble, les vins issus de la première vendange représentent 5 à 15 % du volume total. Le résultat est satisfaisant, mais bien sûr c’est du travail en plus. Donc si on peut éviter de le faire, on ne le fait pas ; comme en 2021 sur un millésime tardif. »
Des grenaches écimés de près
Un autre levier est mis en œuvre au Domaine Boisson pour élaborer des rouges plus frais : la réduction de la surface foliaire. Sur les grenaches en gobelet, le vigneron rabat fortement la végétation. « Cette technique permet de limiter l’évapotranspiration et de resserrer la maturité phénolique et la maturité alcoolique avec un objectif de TAV de 14. »
Dans les faits, Bruno Boisson pratique un premier écimage léger vers la floraison, fin mai-début juin : « On coupe l’apex pour arrêter la pousse. Des entre-cœurs apparaissent en haut des sarments, mais nous limitons ainsi le développement de grappillons à leur base. Un deuxième écimage manuel sévère est réalisé début juillet. On ne laisse que 5 à 6 feuilles au-dessus des grappes, 60 cm de bois. »
À la cave aussi, les pratiques ont évolué. « La température de vinification est limitée à 22 °C. On n’ensemence pas, on garde les rafles, sur une partie de la vendange, qui apportent un trait de "vert" rafraîchissant à nos vins. Nous avons aussi et surtout raccourci les durées de macération de 15 jours à un mois parfois. Finis les délestages et les pigeages. Un remontage de 3 minutes pour mouiller le marc avant le faire la prise de densité et c’est tout ! On travaille en infusion. De ce côté-là, les changements nous font gagner du temps. »
Commercialement, les retours clientèle sont bons, même meilleurs qu’avant, atteste Bruno Boisson. « On a arrêté de faire des vins à la Parker pour aller vers des vins que les gens ont envie de boire, des vins aimables et digestes. »
Adaptation au changement climatique du Domaine Boisson
L’adaptation au changement climatique du Domaine Boisson passe aussi par une réflexion sur l’encépagement pour aller vers des variétés plus tardives que le grenache, comme le muscardin, la counoise, le terret, le piquepoul et le vaccarèse.
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