La mauvaise moisson française de blé n'induira pas forcément une hausse des cours

Estimée à 25,17 Mt, la récolte de blé tendre française est en net recul cette année. Mais ce n'est pas le cas dans d'autres pays du monde.

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Les productions estimées du Canada, des États-Unis et de l'Australie vont « contrebalancer les moindres performances en Europe et en mer Noire », d'après l'USDA.

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Si, en moyenne, la France est responsable d'environ 27 % du total de la production européenne de blé tendre, ce ne sera pas le cas cette année. Estimée à 25,17 Mt, la récolte de l'Hexagone devrait être historiquement basse, voire calamiteuse, tant en ce qui concerne les volumes que les rendements et la qualité.

Recul des exportations françaises à prévoir

De quoi perturber le marché ? Pour les producteurs français, sans aucun doute, en particulier à l'exportation. D'ailleurs, en juillet, FranceAgriMer prévoyait déjà des exportations de blé tendre vers les pays tiers à 7,5 Mt seulement (contre 10,2 Mt sur la précédente campagne).

Mais la contreperformance française en matière de volumes de production ne devrait pas avoir pour corolaire une remontée des cours ce qui aurait mis un peu de baume au cœur des céréaliers. Car le blé ne manque pas réellement en Europe. Le reste du continent n'a en effet pas subi autant de dommages dus aux aléas climatiques que la France sur les récoltes.

Une moisson européenne presque étale

L'Allemagne a certes été également affectée par de mauvaises conditions météo, mais dans de moindres proportions qu'en France, et sa moisson devrait être, selon les dernières estimations, en baisse de seulement 5 ou 6 %, à quelque 20 Mt. En revanche, l'Espagne devrait afficher une récolte de blé tendre du double de l'an dernier (une campagne 2023 désastreuse, cependant, en raison d'une forte sécheresse), avec 7,3 Mt.

De même, en Bulgarie et en Roumanie, les moissons s'annonçaient relativement bonnes dès le mois de juin. Enfin, la Pologne s'attendait à des volumes récoltés similaires à l'an dernier.

Au total, donc, selon les dernières estimations (de juillet) de la Commission européenne, la récolte des 27 en blé tendre devrait se situer à 125,5 Mt, contre 125,8 Mt l'an dernier.

Une belle campagne en Amérique du nord

Mais c'est surtout dans le reste du monde que la situation diffère du cas français. Ainsi, selon les dernières prévisions (à la mi-juillet) du ministère de l'Agriculture des États-Unis (USDA), le Canada, les États-Unis et l'Australie devraient produire 14 Mt de blé supplémentaires en 2024. De quoi « contrebalancer les moindres performances en Europe et en mer Noire », précisait le rapport de l'USDA.

Déception en Ukraine et en Russie

En effet, au-delà de la France, la production ukrainienne vient d'être révisée à la baisse, en raison de conditions trop sèches et trop chaudes ces derniers temps. L'Union ukrainienne des négociants en céréales prévoit ainsi une production de blé à 19,8 Mt pour 2024, soit 2,2 Mt de moins que l'an dernier.

Quant aux experts de SovEcon, ils ont récemment dégradé leurs prévisions pour la récolte de blé russe, la passant à 80,7 Mt (contre une première prévision à 85,7 Mt en mai dernier). De même, ils anticipent des exportations de blé russe dans les mois qui viennent sur les niveaux de 46,1 Mt, contre 47,8 Mt précédemment attendus. L'USDA, pour sa part, estime toujours la récolte de blé russe 2024 à 83 Mt et les exportations de Moscou à 48 Mt.

Une concurrence exacerbée sur les marchés

Quoi qu'il en soit, une telle situation est de nature à « exacerber la concurrence et induire un pricing plus agressif (en d'autres termes, des prix cassés, pour vendre davantage) sur les principaux marchés à l'export, ce qui pourrait créer des conditions baissières sur les marchés mondiaux et les prix nationaux », conclut le rapport de l'USDA.

Des stocks abondants

En outre, au niveau mondial, la production de blé sur la campagne en cours a été revue à la hausse par l'USDA, à un niveau record de 796,2 Mt, grâce à des belles récoltes, de l'Argentine au Pakistan.

Des volumes auxquels s'ajoutent des stocks généreux. Autant dire que l'offre devrait rester plus qu'abondante, selon l'USDA. Dans ces conditions, pas étonnant que les cours, sur les marchés américains comme sur Euronext, soient en baisse ces dernières semaines. À Paris, ils sont passés de 269 euros la tonne (pour le contrat à terme échéance septembre) le 27 mai, par exemple, à 217 euros le 8 août.