« La première source de protéines alimentaires est le blé et les céréales plus généralement », avance Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture au sein de l’Inrae, en guise d’introduction à son propos lors de son intervention au 3e symposium luzerne. Pas de quoi flatter les producteurs de luzerne, présents dans la salle.
Et pour aller encore plus loin, le scientifique ne parle même plus de protéines dans la suite par la suite : « Une protéine n’est rien d’autre que de l’azote réactif dont les humains ont besoin pour s’alimenter. » Il propose donc de s’intéresser davantage à l’azote, afin de comprendre les enjeux de la production de protéines.
Se nourrir sans dépasser les limites planétaires ?
Et de terminer son préambule par quelques chiffres et une question : en France, selon le régime alimentaire moyen actuel, il faut compter 4.500 m2 pour nourrir un humain. Avec une alimentation moins carnée, ce chiffre descend à 3.500 m2.
Une surface somme tout assez faible, compte tenu du potentiel de production des terres agricoles françaises. Mais la France, comme beaucoup de pays occidentaux dépasse alégrement les limites planétaires pour nourrir sa population. Alors comment nourrir tout le monde en passant sous la barre des limites planétaires ?
L’azote indispensable à la fabrication de protéines
C’est en voulant proposer différents scénarios, qu’un chercheur, M. Harzaoui, a préféré parler d’azote plutôt que de protéines.
Le 8 février 2024, Christian Huyghe se fait l’écho de ses travaux : « Le choix de l’azote plutôt que des protéines permet de simplifier les calculs et la compréhension des scénarios. De plus, l’azote est indispensable à la fabrication de protéines, donc les résultats ne sont pas biaisés. »
Mieux recycler les effluents
Dans un cycle de l’azote ouvert où les pertes sont nombreuses, l’un des scénarios vise à optimiser au maximum la fertilisation minérale des cultures et à utiliser la totalité des effluents émis au niveau européen pour fertiliser les cultures.
« À ce jour, seules 5 millions de tonnes sont réutilisées, sur les 35 millions produites, note le directeur scientifique à l'Inrae. Pour le reste, nous nous hâtons de rejeter l’azote qu’ils contiennent dans l’atmosphère. »
Les légumineuses fourragères ont leur place
Un autre scénario intègre bien évidemment les légumineuses et en particulier la luzerne. Pour Christian Huyghe, une plus grande utilisation de la luzerne impose 2 conditions :
- la luzerne ne permettant pas d’alimenter directement les humains, elle doit nécessairement être valorisée par des animaux, principalement des bovins. L’élevage étant souvent la cible de vive critique de la société, il serait essentiel que la valorisation de la luzerne par les animaux soit optimale ;
- il est impératif d’améliorer les systèmes de culture afin de profiter de manière optimale de tout l’azote que la luzerne a piégé et mis à disposition dans le sol.
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Des choix effectués dépendra « le monde que nous laisserons à nos enfants », indique Érik Orsenna, grand témoin de ce symposium, qui attend de l’Europe « qu’elle propose un plan protéine ambitieux non pas basé sur des interdits, mais sur un catalogue des possibles ».