L'Inrae démontre l'importance d'une contribution sur les semences fermières

Après analyse des systèmes existants en Europe et en Australie, les équipes de recherche agronomique prônent une règlementation adaptée en fonction du coût de la recherche. Le but ultime est de stimuler l'innovation agricole.

La pratique des semences fermières, qui concerne entre 50 et 55 % des surfaces de blé tendre en France, est avantageuse économiquement pour les agriculteurs. 

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Quel arbitrage les exploitants agricoles doivent-ils faire en matière de semences ? En d'autres termes, comment choisir entre semences certifiées et semences fermières ?

En France, pour différentes espèces de grandes cultures comme le blé, l'orge et le pois, les agriculteurs ont la possibilité d'utiliser une partie de leur récolte pour créer leur propre semence (dite « semence fermière ») et la semer pour l'année suivante.

La moitié des surfaces de blé tendre

Cette pratique, qui concerne entre 50 et 55 % des surfaces de blé tendre en France, est avantageuse économiquement pour les agriculteurs, puisqu'ils n'ont pas à racheter la semence tous les ans. Ce système de semences fermières peut cependant impliquer le paiement d'une contribution pour financer la recherche semencière, selon le cadre légal.

Semences fermières et COV

De fait, les semences fermières proviennent de semences certifiées protégées par un certificat d'obtention végétale (COV), le droit de propriété intellectuelle utilisé en Europe par les entreprises de sélection pour protéger les nouvelles variétés.

La loi autorise certes les agriculteurs à ressemer une partie de leur propre récolte issue de variétés protégées pour 21 espèces, mais cela ne les empêche pas de devoir verser une compensation au détenteur d'une espèce protégée par un COV (à l'exception des petites exploitations dont la surface permet de produire moins de 92 tonnes de céréales par an).

Niveau de redevance 

En France, le niveau de redevance est unique sur les semences certifiées pour chaque espèce. De plus, un prélèvement de 1,1 euro par tonne est actuellement effectué sur la livraison de blé tendre.

Reste que cette contribution, qui participe à rémunérer la recherche des semenciers, est encadrée différemment selon les pays.

La contribution, un bénéfice pour tous

Une équipe d'Inrae a voulu analyser les systèmes existants dans les pays européens et en Australie. Les résultats, publiés dans la revue American Journal of Agricultural Economics, soulignent l'importance d'une règlementation adaptée en fonction des coûts de recherche.

De fait, selon leur étude, la mise en place d'une contribution sur les semences fermières permet d'améliorer le bénéfice général de tous les acteurs économiques concernés des agriculteurs aux obtenteurs de variétés protégées.

Comparaisons de l'impact

L'équipe de recherche a comparé les propriétés des différents systèmes existant dans les pays européens et en Australie. Les chercheurs ont pris en compte, pour les semences certifiées et les semences fermières, l'impact sur l'efficacité de la production (des semences et des récoltes), sur les prix des semences et sur les investissements en recherche.

Ils ont en outre comparé les propriétés économiques de chaque système de contribution grâce à une modélisation représentant des situations économiques diverses (différents pays, différentes espèces cultivées, etc.).

Une absence de contribution réduit la R&D

Les résultats de cette analyse indiquent que l'autorisation des semences fermières – sous réserve d'une contribution et d'un encadrement réglementaire adapté est préférable à leur interdiction, et qu'une absence de contribution conduit, d'une part, à une utilisation excessive de semences fermières par les agriculteurs et, d'autre part, à un sous-investissement en recherche.

Une contribution fixée par l'État en France

Par ailleurs, deux options de réglementation ressortent des analyses de l'Inrae. La première consiste à imposer une contribution identique au niveau des redevances sur les semences certifiées, comme c'est le cas en Australie. La seconde suppose que cette contribution soit fixée par l'État, ce qui s'apparente à la pratique de certains pays européens, dont la France, le Royaume-Uni et l'Espagne.

En fonction des coûts de recherche

L'option australienne s'avère plus intéressante dans un contexte où les coûts de recherche sont élevés, conduisant à peu d'innovation. En revanche, lorsque les coûts de recherche sont moindres, l'intervention de l'État pour définir le niveau de la contribution sur les semences fermières devient intéressante, car cela permet d'influencer l'effort de recherche des semenciers.

Cette étude souligne donc l'importance d'une réglementation adaptée en fonction du contexte des coûts de recherche.

Des exemptions sur le COV

Comme dans un système de brevets, le droit d'obtenteur accorde un droit de monopole à l'innovateur. Cependant, ce droit d'obtenteur, établi par la convention de l'Union pour la protection des obtentions végétales (UPOV) de 1991, est spécifique, car il accorde à la fois une exemption pour la recherche et une exemption pour les agriculteurs. Avec l'exemption pour les agriculteurs, un exploitant agricole peut utiliser une variété protégée comme source de matériel génétique pour créer sa propre semence, appelée semence de ferme ou semence fermière.

Pour la recherche, un sélectionneur peut utiliser une variété protégée comme source de matériel génétique dans son programme de sélection sans l'autorisation de l'obtenteur de cette variété.

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