Après une hausse progressive sur l’année 2021, les prix du gaz ont explosé à partir de septembre, passant de 30 $/mmBtu à 60 $/mmBtu. En équivalent pétrole, cela correspond peu ou prou à passer de 180 dollars le baril, à 350 dollars. "Jamais je n’aurais pu imaginer une chose pareille de toute ma bie", commente Anne-Sophie Corbeau, chercheuse au Centre global de politique de l’énergie au sein de l’Université de Columbia, à l'occasion du Paris Grain Day.
En guise de référence, le prix spot en Europe est généralement compris entre 6 et 8 $/mmBtu. Plusieurs éléments justifient cette situation inédite: "D’une part, le rebond économique porté par la Chine, qui est devenue le premier importateur de gaz naturel liquéfié, et d’autre part, la baisse de production d’énergie renouvelable notamment en Amérique du sud, à cause de la sécheresse et du manque de vent en Europe. Par ailleurs, les hivers longs et rigoureux suivis d’étés chauds et secs en 2021 ont aussi contribué à faire pression sur la demande", détaille la spécialiste.
Cette situation a été également amplifiée par une baisse significative de l'offre. "Des incendies en Norvège et en Australie ont contraint à la fermeture des unités de production", résume la spécialiste, avant d'ajouter: "Et cerise sur le gâteau, la Russie. Elle a connu elle aussi un hiver 2020-2021 très rigoureux qui l’a contrainte à stocker davantage de gaz. Par ailleurs, l’imbroglio géopolitique autour du gazoduc Nordstream 2 a retardé sa mise en service. On peut espérer que, si la situation entre Russie et Ukraine se stabilise, le gazoduc entre Allemagne et Russie pourrait être opérationnel mi-2022".
Pour les prochains mois, deux éléments d’incertitude demeurent: la nature de l’hiver à venir, et l’attitude de la Russie. "Le fait que la Russie coupe les approvisionnements, je n’y crois pas, car c’est une source de revenus indispensable. Et il est probable aussi que l’on assiste à un switch vers le pétrole et le charbon. Ce n’est pas terrible pour l’environnement, mais il faut savoir que beaucoup de pays ne peuvent pas se permettre d’acheter du gaz à ces niveaux de prix astronomiques", analyse Anne-Sophie Corbeau.