
Pour maximiser la biomasse produite par ses engrais verts, Mickaël Sire, vigneron dans les Pyrénées-Orientales, mise notamment sur le surdosage, sur les amendements et sur un semoir autoconstruit adapté à son mélange de semences.
« Ici, il pleut en moyenne 400 mm/an. Dès le début du printemps, le sol peut être asséché par un couvert bien développé. La vigne se retrouve en stress hydrique, concurrencée par les engrais verts. Les suivis réalisés au sein du GIEE Les couvreurs de vigne, auquel j’appartiens, l’ont montré. Notre expérience depuis dix ans l’a confirmé. Il faut détruire tôt pour bloquer l’évaporation du couvert végétal. Rouler le couvert plus tard dans la saison n’est pas une technique de destruction adaptée à nos objectifs. Avec le rouleau, les plantes pincées jeunes perdent en vigueur, mais continuent de se développer. Le système racinaire puise encore de l’eau ; trop pour les réserves présentes dans nos sols. En 2016, nous en avons fait les frais. Durant cette année particulièrement sèche, les parcelles avec des engrais verts roulés tardivement nous ont fait perdre 50 % de rendement. Quand on sait que notre rendement moyen est de 30 hl/ha, il n’est pas surprenant que nous ayons changé notre fusil d’épaule dès l’année suivante. »
Semer tôt, dès le mois d’août
Un recours au surdosage
Il maintient tout d’abord une fertilisation régulière des sols. Tous les deux ou trois ans, de la matière organique locale est appliquée sous forme de fumier ou de compost de champignonnière, représentant « 15 à 20 t/ha », estime le vigneron.
Sur les 20 ha du domaine sur lesquels des engrais verts sont mis en place, des mélanges multiespèces sont semés. « La féverole est la base du mélange, mais j’ai tendance à réduire sa proportion. Elle est régulièrement attaquée par de la rouille, ce qui réduit sa biomasse. Je compense par d’autres espèces à cycle végétatif court. »
Mickaël Sire pratique aussi un surdosage sur ses mélanges d’engrais verts. « Par rapport aux références, je rajoute 30 % de graines en plus, indique-t-il. Nous semons tous les rangs, sur des bandes de 165 cm, quand l’espace interrang est de 2,5 ou 3 mètres. Cela nous amène à une dose de semis de 150 kg/ha de vigne. Pour mes 20 ha de vignes enherbées, j’ai besoin de 3 t de semences. Avec le GIEE, nous faisons des commandes groupées auprès du collectif Graines équitables », une coopérative audoise réunissant une quarantaine d’agriculteurs bio produisant des mélanges pour les engrais verts viticoles. « Avec un prix de semence à 500 €/t, le surdosage ne représente pas un investissement majeur. J’achète pour 1 500 € de semences bio par an. Sans surdosage, la facture serait de l’ordre de 1 100 €. »
Un semoir adapté au semis de couverts en mélange
Le semoir du domaine est en effet équipé de deux trémies, une pour les petites graines du mélange, comme les crucifères et les lentilles, et une autre pour les autres semences (féverole, vesce de Narbonne, gesse, avoine, seigle forestier). « Cette trémie alimente 7 descentes associées à des dents. L’autre, une Delimbe, est reliée à six tuyaux flexibles. Depuis cette année, nous avons ajouté au cadre de vieilles roues en fer indépendantes les unes des autres. Positionnées dans l’axe des flexibles, elles rappuient le sol sur les petites graines posées à la volée. On espère ainsi améliorer leur germination. Pour la prochaine campagne, nous travaillerons sur le réglage du débit du semoir.»
Des résultats mesurés
« Les suivis réalisés au sein du GIEE Les couvreurs de vigne nous ont clairement montré que le risque de concurrence hydrique est réel dans nos conditions pédoclimatiques méditerranéennes. Tout se joue souvent dans le courant du mois de mars, où, en l’espace de quinze jours, on peut vider le réservoir hydrique du sol avec un couvert à forte biomasse.
Deux stratégies sont alors possibles : soit miser sur un couvert à faible biomasse avec un objectif de portance au printemps (auquel cas on peut repousser la destruction), soit viser un couvert de type bio-max en favorisant au maximum le gain de biomasse à l’automne, plutôt qu’au printemps.
Pour la seconde stratégie, l’expérience nous montre qu’il est tout à fait possible d’avoir de jolies biomasses fin février sur les parcelles en optimisant la technique de semis et la composition du mélange : 3 t de matière sèche pour les années les plus sèches, et jusqu’à 8 t1 pour les meilleures années. »
(1) La biomasse est toujours exprimée en plein à ramener à la surface réellement couverte.
Article paru dans Viti Leaders n°464 d'octobre 2021