Quand un médoc rencontre Jules Verne, le packaging participe à l'histoire

Depuis qu’il a repris le domaine familial bordelais en 2016, Pierre-Yves Joannon met un point d’honneur à parer ses bouteilles d’étiquettes très travaillées. La large gamme de vins qu’il propose est un atout auprès des acheteurs. 

Le Secret de Nautilus, Médoc

Sur l'étiquette du Secret du Nautilus figure le célèbre sous-marin accompagné d'une pieuvre. L'intérieur du carton représente le salon principal du sous-marin.

© Vignobles Gallix de Mortillet

En achetant une caisse du Secret du Nautilus, les consommateurs ne s’offrent pas seulement un médoc « boisé réglissé » et « aux notes de fruits rouges ». Ils plongent aussi dans un univers fantastique, inspiré du mythique Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne. Une idée née pendant le Covid. 

« J’ai imaginé que mon ancêtre, Gabriel Gallix de Mortillet, nommé conservateur au musée d’archéologie de Saint-Germain-en-Laye en 1868, avait rencontré Pierre Aronnax, le narrateur et héros du roman », explique Pierre-Yves Joannon, à la tête des Vignobles Gallix de Mortillet depuis 2016. Médecin et professeur suppléant au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, Pierre Aronnax traque ce qu’il pense être un narval géant, monstre marin qui serait responsable de plusieurs naufrages. 

Pierre-Yves Joannon, Vignobles Gallix de Mortillet

Depuis qu’il a repris les Vignobles Gallix de Mortillet en 2016, Pierre-Yves Joannon met un point d’honneur à parer ses bouteilles d’étiquettes très travaillées.

© Fanny Laison

Rencontre entre le réel et la fiction 

De cette rencontre entre le réel et la fiction, sont nées Les Chroniques du professeur Gabriel. Publiées sur un site Internet dédié, elles racontent l’enquête de Gabriel et de sa cousine pour comprendre ce qu’il est arrivé à Pierre Aronnax. En lisant son journal, ils découvrent que ce dernier a fait partie de l’équipage du Nautilus. Or, durant ce laps de temps, le célèbre sous-marin a pris d’assaut un navire transportant du cacao... et du vin. 

Le Secret du Nautilus serait donc ce vin qui aurait dû arriver en Angleterre s’il n’avait croisé le submersible dirigé par le capitaine Nemo. Sur l’étiquette noire, une gravure dorée représente le sous-marin accompagné d’une pieuvre. La contre-étiquette, elle aussi d’un noir profond, offre un extrait de l’histoire imaginée par Pierre-Yves Joannon. L’intérieur du carton de six représente, là aussi sous forme de gravure, le salon principal du sous-marin. 

Un travail entre amis 

Le vigneron installé à Valeyrac en Gironde ne s'est pas arrêté là. Il a également conçu La Valise du professeur Aronnax. Un BIB de trois litres dont le packaging reproduit l’aspect d’une valise en cuir comme on en utilisait au XIXe siècle, époque à laquelle se déroule Vingt mille lieues sous les mers. Le Coffre, un autre BIB, mais de cinq litres celui-ci, fait écho aux coffres du navire marchand volés par l’équipage du Nautilus.  

Cuvée Les Chroniques du professeur Gabriel

La cuvée Les Chroniques du professeur Gabriel se compose du Secret du Nautilus, de la Valise d'Aronnax et du Coffre.

© Fanny Laison

Pour donner vie à cet univers, Pierre-Yves Joannon s’est appuyé sur une bande d’amis aux talents multiples. Benoît Macaigne, graphiste, s’est occupé de l’univers visuel, pour lequel Stéphane Soulier, spécialiste de l’imprimerie et du carton, s’est échiné à trouver des supports et des modes d’impression adaptés. L’écriture des Chroniques a été confiée à Gilles Card, auteur de romans policiers, tandis que Pierre-Yves Joannon et Francis Carle se sont chargés de l’élaboration des trois vins.  

Une gamme pour les cavistes 

Vendus aux environs de 14 € la bouteille, 30 € le BIB de trois litres, et 40 € le BIB de cinq litres, ces produits, de par leur concept, s’adressent plutôt au réseau des cavistes. Un circuit de vente apte à transmettre et faire vivre tout cet univers. Dont la mise en œuvre a un coût non négligeable : le carton servant à transporter six bouteilles coûte quatre fois plus cher qu’un carton standard. 

Mais cette « collection spéciale » n’est pas un coup d’essai pour Pierre-Yves Joannon. En reprenant le domaine familial de 56 ha, il s’est d’abord occupé de moderniser le packaging du cru bourgeois, le Château Roquegrave, qui était resté dans son jus depuis les années 1950.

« Avec Benoît Macaigne nous avons gardé la trame de la maison mais nous l’avons stylisée et nous avons ajouté des détails comme cette petite hirondelle qui se déplace sur l’étiquette d’un millésime à l’autre », décrit le vigneron. La crénelure de l’étiquette, similaire à celle d’un timbre-poste, évoque le voyage.  

Rock Grave Médoc

Le Rock Grave s'affranchit de la bouteille bordelaise.

© Vignobles Gallix de Mortillet

Des bouteilles bourguignonnes à Bordeaux

Celui qui a accroché des peintures de Renoir, Millet ou encore Monet dans son chai, s’attelle ensuite à créer de nouveaux vins, toujours accompagnés d’un packaging hautement réfléchi. Le Château Haut-Valeyrac est doté de deux étiquettes. Les millésimes impairs, à destination de la grande distribution, portent une étiquette classique, tandis que les millésimes pairs, réservés aux cavistes, sont dotés d'une étiquette bien plus sophistiquée.

Sur celle-ci figure une chimère à la tête de cerf, aux ailes d’aigle et au corps de zèbre. Ce que Pierre-Yves Joannon appelle un « zerf », et qui a donné son nom et son image à une autre cuvée conditionnée en bouteille bourguignonne. 

S’affranchir de la bouteille bordelaise est d’ailleurs une stratégie pour contrer le bordeaux bashing et déclencher la dégustation. Le Rock Grave, dont l’étiquette fait apparaître le signe des cornes des rockers, une guitare électrique et une chauve-souris, a pour ambition de « casser les codes de Bordeaux » et est lui aussi mis en bouteille bourguignonne.  

Une multiplicité de marques 

Folklore, Cot Coq Médoc, Vent d’automne, Be Bop ou Jolie Rouge, les marques créées par les Vignobles Gallix de Mortillet sont nombreuses et lui confèrent une force de frappe auprès des acheteurs. « Quand un caviste vient nous voir il peut acheter quatre, cinq produits différents », souligne Pierre-Yves Joannon.

« Il n’a pas besoin d’aller voir dix châteaux pour s’approvisionner en Médoc, ce qui lui fait gagner du temps, et aussi économiser des coûts de transport une fois qu’il a commandé les vins », ajoute Séverine de Maximoff, la responsable commerciale.  

Niveau vente, ce foisonnement permet au domaine de résister tant bien que mal à la crise que traverse la filière girondine. Sur les quelque 150.000 bouteilles produites, la moitié est aujourd’hui vendue au négoce. L’objectif est de développer le marché des cavistes. Et pour cela, gageons que Pierre-Yves Joannon saura leur raconter de belles histoires. 

Les chiffres clés des Vignobles Gallix de Mortillet

  • Superficie : 56 ha dont 27 ha en production
  • Nombre de bouteilles produites par an : entre 120 000 et 150 000  
  • Encépagement : merlot 60 %, cabernet sauvignon 35 %, petit verdot 5 %
  • Commercialisation : négoce et export 53 %, grossistes et restaurateurs 32 %, particuliers 15 %
  • Équipe : 6 salariés
  • Prix public : entre 12 € et 15 €