Ferme expérimentale de Thorigné d’Anjou : des leviers pour la durabilité

La ferme expérimentale de Thorigné d’Anjou (49) explore depuis sa création, il y a 25 ans, différents leviers de durabilité de l’élevage bovin viande. Réduction de l'âge au vêlage, ration économique, prairies sous couverts... autant de thèmes qu'ont pu découvrir les 1.300 participants à la porte ouverte du 16 mai dernier.

vaches pré thorigné

Tous les produits des génisses sont des croisés limousin/angus. Mâles (castrés au sevrage) et femelles sont engraissés. La qualité de leur viande répond aux exigences du marché.

© Catherine Perrot

Les portes ouvertes de la ferme bovine de Thorigné d’Anjou étaient attendues avec impatience : cinq années que cette ferme expérimentale en viande bovine bio n’avait pas accueilli de visiteurs sous ce format. Dépassant les prévisions des organisateurs, ils ont été plus de 1.300 à se déplacer, le 16 mai dernier, pour visiter la ferme et suivre pas moins de huit conférences et 16 ateliers techniques.

Si les visiteurs étaient aussi nombreux à venir, c’est que les thématiques traitées par l’équipe de Thorigné d’Anjou, sous la houlette d’un conseil d’administration diversifié, sont en phase avec les enjeux actuels de l’élevage : durabilité, sobriété, autonomie, résilience, souveraineté alimentaire...

Autant de thèmes, qui, il y a 25 ans lors de la création de la ferme, étaient un peu des spécificités bio, mais qui, aujourd’hui, intéressent tous les éleveurs. « Nous souhaitons pratiquer un élevage acteur de la transition, efficient, viable et transposable. Nous proposons des itinéraires fiables et éprouvés », décrit Julien Fortin, le directeur de la ferme expérimentale.

Carbone : d’abord réduire l’improductivité

Urgence climatique oblige, la réduction de l’empreinte carbone de l’élevage bovin constitue un enjeu majeur pour la ferme. Sachant que le méthane émis par le troupeau est la source principale des émissions, le premier levier consiste à réduire l’improductivité des animaux pour améliorer le bilan carbone au kg de viande produit.

L’équipe de Thorigné travaille ainsi depuis plusieurs années sur la réduction de l’âge au vêlage des génisses. Après avoir assuré des vêlages à 30 mois jusqu’en 2019, depuis 2020, c’est l’objectif vêlage à 24 mois qui est visé. Pour cela, les génisses sont mises à la reproduction à 14 mois (à 420 kg en moyenne), en monte naturelle avec un taureau angus, race de petite taille et précoce en dépôt de gras. Le troupeau est conduit en deux périodes strictes de vêlages et les génisses qui ratent le coche ont droit à une deuxième chance, pour un vêlage à 30 mois.

Avec ce système, 68 % des génisses vêlent à 24 mois. Ce vêlage précoce n’a pas d’incidence sur le taux de gestation en deuxième vêlage qui est de 88 % (IVV 374 jours). Les produits de ces croisements, mâles castrés et femelles, peuvent être commercialisés à 27 mois (nés au printemps) et 24 mois (nés en automne). Ils donnent une viande (couleur, gras, taille des morceaux) qui correspond aux attentes du marché.

prairie thorigné

Une grande partie de l’autonomie alimentaire de la ferme repose sur la qualité de l’herbe, en particulier celles des prairies à flore variée.

© Catherine Perrot

Augmenter la productivité du troupeau

Parmi les nombreuses autres voies d’optimisation explorées à Thorigné, des travaux ont concerné la finition des vaches de réforme. Avec une ration comprenant un enrubannage à volonté (0,75 UFV et 75 PDIN), l’équipe a montré que la réduction du concentré fermier (80 % triticale/20 % pois) de 6 kg à 3 kg/j n’augmentait que de 10 jours la durée d’engraissement.

« Avec cette ration, on économise 9 tonnes de céréales à l’année », souligne Bertrand Daveau, ingénieur de recherche. « Brider » les animaux au niveau des concentrés les amène à mieux valoriser leurs fourrages (+ 2 kg enrubannage/j), ce qui réduit la concurrence feed/food, augmente la marge sur coût alimentaire, et réduit l’empreinte énergétique. Bertrand Daveau précise que c’est l’efficacité du troupeau qu’il faut rechercher, plus que l’efficacité individuelle. En l’occurrence, la productivité du troupeau de Thorigné est 350 kg de viande vive produite/UGB/an.

Les prairies superstars de la durabilité

L’amélioration de la productivité concerne aussi les surfaces. Depuis plusieurs années, les prairies sont semées à l’automne en même temps que les mélanges céréales-protéagineux. Lorsque les méteils sont récoltés, en ensilage (fin mai/début juin), ou en grains (début juillet), ils laissent la place à une prairie qui a déjà commencé à pousser. Celle-ci peut fournir 1,5 t de matière sèche dès sa première année.

C’est aussi dans cette même idée de maximiser la production de fourrage à l’hectare, tout en réduisant les interventions mécaniques, que la ferme de Thorigné expérimente le pâturage hivernal, le bale grazing ou encore la consommation de foin sur pied... « Nous avons encore beaucoup d’autres choses à inventer. Mais dans l’objectif d’une agriculture sobre et résiliente, nous pensons que le tandem prairie/bovins paturants a beaucoup d’avenir », conclut Julien Fortin.

 

Carte d'identité de la ferme expérimentale de Thorigné d'Anjou

  • En agriculture biologique depuis sa création en 1998.
  • 145 ha de terres plutôt hydromorphes.
  • Fourrages : 58 ha PP, 51 ha PT, 3 ha luzerne, 8 ha mélange céréales/protéagineux ensilé.
  • Grains : 12 ha triticale/pois, 6 ha féverole, 2 ha triticale, 2 ha blé.
  • Essais : 3 ha.
  • 130 UGB au total dont 80 VA limousines, 1 taureau angus, 2 taureaux limousins.
  • Sorties annuelles : 26 femelles, 20 croisés lim x angus, 16 bœufs lim, 4 broutards, 6 veaux.