
Entre le stade 70 cm et 1,50 m, la valeur nutritive du sorgho est à son plein potentiel. Au-delà, cette valeur chute très rapidement.
© Arvalis/institut du végétal« Le sorgho cumule deux intérêts : il produit des protéines en été et maintient ses rendements en année sèche », assure Carole Gigot, ingénieure régionale fourrage chez Arvalis. Cette spécialiste, basée à la ferme expérimentale des Bordes, dans l’Indre, produit entre autres des références techniques sur les cultures fourragères estivales.
9,1 t de MS et 10,5 t de MS : voici les rendements de sorgho multicoupe observés sur cette ferme expérimentale en 2021 et 2022. « La variation de rendement entre ces deux campagnes est assez faible, seulement 1,3 t de MS, rapporte Carole Gigot. Pourtant, elles ont été marquées par des tendances climatiques diamétralement opposées. »
De ce fait, la culture du sorgho multicoupe offre des perspectives intéressantes pour contrer les baisses de production liées au manque d’eau. « Cette fourragère d’été répond aux besoins des éleveurs qui cherchent à étaler leur production sur l’année et à sécuriser leurs rendements », souligne-t-elle.
Semis en mai : trois cycles de pâturage
Semé durant la deuxième quinzaine de mai, le sorgho multicoupe peut fournir une première récolte fin juillet. Lorsque les conditions sont optimales, il est alors possible de récolter deux coupes ou d’organiser trois cycles de pâturage sur une seule et même parcelle. « Des semis plus tardifs peuvent être affectés par le manque d’eau. Et même si la levée tardive réussit, on observe de façon systématique une baisse de rendements », prévient la spécialiste d’Arvalis.
Outre des semis précoces, Carole Gigot recommande d’implanter le sorgho multicoupe après une prairie ou une dérobée : « Ainsi, le producteur peut effectuer une récolte d’ensilage au mois d’avril avant la mise en place de sa fourragère d’été », ajoute-t-elle.
À cette période de l’année, les précipitations tendent à diminuer. Alors, pour éviter d’assécher le sol, le travail mécanique doit être adapté aux conditions climatiques de l’année. « En condition sèche, un déchaumage peut suffire. Le labour, lui, est plus efficace pour limiter les levées d’adventices. En revanche, son action plus profonde augmente le risque d’assécher le sol en profondeur », rappelle Carole Gigot.
Rester prudent sur la fertilisation azotée
Une fois le précédent détruit, le sorgho multicoupe est semé à un écartement classique de 15 cm à l’aide d’un combiné herse rotative : « La densité de semis reste une donnée à affiner. À l’heure actuelle, nous n’avons pas mené d’essais à ce sujet », explique la spécialiste, qui recommande de se fier aux préconisations des semenciers, généralement autour de 25 kg/ha.
La fertilisation azotée doit être pilotée en prenant en compte le précédent cultural, riche ou non en légumineuses. De plus, l’absence de précipitations du début d’été peut limiter la valorisation de cet azote.
C’est pourquoi, outre le fait d’adapter ses apports en fonction de l’humidité du sol, Carole Gigot conseille surtout de rester très prudent quant aux doses utilisées : « Au-delà du 15 juin, l’azote apporté est rarement bien valorisé », souligne-t-elle.
Après le sorgho, implanter une prairie sous couvert
En cours de culture, le sorgho nécessite peu d’entretien. « Comparé à un maïs, il existe moins de leviers d’action chimique sur cette culture », reconnaît l’ingénieure fourrage.
Alors, pour lutter contre le panic faux millet, principale adventice rencontrée lors des essais, le désherbage mécanique semble être le levier le plus efficace : « Les semis de trèfles et de vesces associés n’ont pas montré d’effet significatif sur la valeur fourragère du sorgho récolté. En revanche, leur effet couvrant pourrait être utilisé pour limiter l’enherbement », assure Carole Gigot.
Une fois la dernière coupe de sorgho réalisée, il est généralement trop tard pour implanter une prairie de façon traditionnelle.
En revanche, la méthode des semis sous couvert coïncide avec la période de destruction du sorgho, qui s’effectue autour du 10 octobre. « Avant toute culture, il est essentiel de restituer la potasse et le phosphore consommés par le sorgho. Actuellement, nous avons peu de références sur les quantités à apporter », conclut Carole Gigot.
Pâturage du sorgho : 1,50 m de hauteur, un stade à ne pas dépasser
« La pousse ultrarapide du sorgho multicoupe peut entraîner beaucoup de pertes au pâturage », rappelle Carole Gigot, ingénieure régionale fourrage chez Arvalis. Pour cette raison, en 2023, un projet pilote mené par la ferme expérimentale des Bordes, en partenariat avec l’Inrae de Nouzilly, le Ciirpo et le programme Herbe et fourrages Centre-Val de Loire, a étudié la consommation du sorgho par des génisses et des brebis au pâturage. Objectif : déterminer à quel stade de végétation le gaspillage devient inacceptable. Cet essai a été reconduit en 2024.
Pour commencer, le sorgho multicoupe ne doit surtout pas être consommé avant le stade 60-70 cm en raison de sa toxicité. Les observations ont montré que le stade optimal se situe entre 70 cm et 1,50 m de hauteur. Au-delà, le pâturage perd alors de son intérêt.
À noter : la perte de valeur fourragère suit elle aussi cette tendance. C’est-à-dire qu’entre les stades 70 cm et dernières feuilles étalées, environ 1,50 m, la valeur nutritive est à son plein potentiel. Au-delà, cette valeur chute très rapidement.
>>> À lire aussi : Face à la sécheresse, les éleveurs diversifient les ressources fourragères
Sorgho, quelle génétique choisir ?
Cinq génétiques de sorgho ont été comparées entre 2021 et 2022 dans le cadre du programme Cap protéines. Ces essais comparatifs ont été menés sur des souches Sudan BMR1 et Sudan non-BMR, des hybrides BMR et non-BMR et une souche photopériodique (PPS) qui n’épie pas sous nos latitudes.
Les points à retenir :
- une faible variation de rendement en condition sèche et humide ;
- les génétiques Sudan et hybride, BMR ou non, produisent entre 9 t et 10,5 t de MS/ha/an ;
- la génétique PPS produit moins de biomasse, en moyenne 8 t de MS en deux cycles ;
- même si la donnée n’a pas été vérifiée lors des essais, le caractère BMR produit des plantes plus sensibles à la verse en raison de leur teneur en lignine plus faible.
(1) BMR : cette combinaison de gènes influence la lignification des tissus. La teneur en lignine est amoindrie. Généralement, cela entraîne une meilleure digestibilité des fibres.