La piquette, un vin rouge léger qui refait parler

Pour se diversifier en proposant des vins avec un faible degré d'alcool, des vignerons s'intéressent à la piquette. La pratique, très encadrée, est présentée par Paul Labruyère, œnologue conseil chez Enosens dans le Bordelais. 

Paul Labruyère est oenologue conseil chez Enosens. 

© Enosens

Le sens de l’expression « c’est de la piquette » fait, même dans les chais, consensus. La piquette est associée à une idée de mauvais vin. Nombre d’entre nous ont même oublié le sens premier du terme tant la boisson « piquette » a disparu du paysage vinique français. Produit obtenu par la fermentation de marcs de raisins mouillée à l’eau, sa commercialisation est interdite depuis 1907.

Pourtant depuis quelques années, la piquette fait son retour chez les vignerons. Une poignée a même franchi le Rubicon en tentant de la vendre. Si la plupart semblaient ignorer la loi française vieille de près de 120 ans, les Douanes, elles, connaissent leurs classiques !

« C’est une piste intéressante pour produire des vins rouges plus légers, moins alcoolisés, mais règlementairement il faut bien se renseigner avant de se lancer », confie Paul Labruyère. L’œnologue conseil du groupe Enosens en Gironde témoigne en connaissance de cause. Sa première piquette, élaborée au côté d’un viticulteur motivé par le concept, n’a pas pu être mise en vente. Cela ne l’empêche pas de penser à une prochaine expérimentation. « Administrativement, il y a des solutions légales pour vendre de la piquette, commercialement, il y a une demande notamment à l’export et pour un œnologue c’est un beau défi technique. »

Une recette de piquette

Pour élaborer sa première piquette, Paul Labruyère a récupéré un marc égoutté de cabernet sauvignon, de merlot et de petit verdot sur lequel il a rajouté de l’eau dans la proportion souhaitée ; 1/3 de marc et 2/3 d’eau dans le cas présent. Après un contact de 24 heures, sans remontage, le jus a été soutiré.

« Son TAV potentiel était de 3.5 degrés. Le vigneron voulait proposer une piquette à 6. Pour remonter de 2.5 points, on a rajouté 50 grammes de sucre par litre, sur 2 hectolitres. Ensuite, la fermentation alcoolique s’est faite toute seule et très rapidement. La population de saccharomyces extraite du marc fermenté était assez importante pour ne pas avoir à ensemencer. On a obtenu, une boisson avec des arômes de fruits confits intéressants mais qui manquait d’acidité. Un ajout de tartrique aurait pu rééquilibrer le profil », estime l’œnologue qui conclut en précisant : « C’est un produit très sensible à l’oxydation et aux dérives microbiologiques. »